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Divette. Plus de retraite cette fois : les Boches vont trouver du monde, et du monde à qui parler, et du monde bien campé sur nos anciennes positions ou sur les leurs.

Il était temps et plus que temps. Un jour de retard et l’ennemi, s’avançant par le massif de la Petite Suisse sans défense, marchait sur Ribécourt et Compiègne, faisait tomber notre ligne de l’Oise et du mont Renaud. Mais ce n’est pas seulement la 77e division qui arrive pour seconder, conforter, relever nos premières troupes et les troupes anglaises, épuisées par cinq jours de luttes ; voici, par Ribécourt, la 53e, par Estées-Saint-Denis et Orvillers la célèbre 38e (zouaves, marsouins et tirailleurs), et plus à l’Ouest la 36e, la 70e. Les casques bleus ont poussé comme les bleuets dans les champs. L’ennemi s’en doute, l’ennemi se hâte, il multiplie ses sondages et ses brusques attaques. La barrière mouvante de poitrines qui s’est dressée devant lui prend peu à peu la fixité, la dureté d’un mur. Il va tenter de le contourner encore par l’Ouest, avant de le heurter de front le 30 mars dans un assaut gigantesque pour forcer définitivement l’entrée de l’Ile-de-France par l’Oise, par le Matz, par les plateaux de l’Avre. Il nous tâte, le 27, au mont Renaud, dans la région de Lassigny qu’il a réoccupée, de Conchy-les-Pots, de Boulogne-la-Grasse, où s’est porté un bataillon du 4e zouaves. Il prend Conchy-les-Pots, mais se heurte à nos tirailleurs à Roye-sur-Matz. Partout, il découvre une solide résistance et n’insiste pas. Il flaire le vide plus à l’Ouest, car ses troupes qui ont débouché de Roye ne trouvent rien devant elles sur la route de Montdidier.

Cependant la nuit du 26 au 27 mars avait été calme étonnamment. Ceux qui ont vécu Verdun ou la Somme, aux nuits retentissantes et déchirées par l’éclair des batteries et la lueur des fusées, sont surpris et presque angoissés de cette bataille silencieuse, plus perfide que les précédentes. Les canons ne sont pas encore en nombre : les Allemands ont avancé trop vite et nos transports ont été trop rapides. De ce calme inattendu, le général Humbert a profilé pour remettre de l’ordre dans le commandement et les unités et pour achever de construire sa digue humaine. Le soir du 27, il a sa ligne quasi régulière et continue : à sa droite, de l’Oise à Canny-sur-Matz, le corps Pelle avec les 9e, 35e, 1re, 53e et 77e divisions, plus un régiment de la 38e, le régiment colonial du Maroc ; au