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d’anciens boyaux ou des plis de terrain. Sans doute ses unités se confondent, et les bataillons du 36e régiment n’ont pas tardé à rejoindre les bataillons engagés du 66e et à se mêler à eux. Mais c’est une masse résolue et puissante qui bat les défenses du village. À la droite, vers la Porte Rouge, le capitaine des Rieux, à la tête de la 7e compagnie de notre 97e tient jusqu’à l’épuisement de ses munitions. En vain en réclame-t-il au commandant Delmas par coureurs : celui-ci n’a plus rien à lui envoyer. Il est débordé de toutes parts, il tient encore. Avec les quelques hommes qui lui restent, blessés ou épuisés, il est cerné. Ancien sous-officier de cavalerie passé dans l’infanterie sur sa demande, petit, sec, nerveux, « extrêmement énergique, parfaitement brave, un officier, quoi, » dira de lui un de ses camarades. Il a tenu deux heures et demie, et même sans munitions, attendant d’être secouru, repoussant à l’arme blanche un ennemi qui, l’ayant dépassé, revient sur lui. La résistance de la Porte Rouge durera jusqu’à près de dix heures, quand, dès longtemps, ailleurs elle aura cessé. Sa première lettre, venue de captivité, rappellera gravement, stoïquement, l’épisode : « Il n’y a rien à regretter de ce qui est arrivé : la gloire ayant largement couvert le tout. Ceux qui, autour de moi, ont lutté jusqu’au sacrifice absolu, n’ont pas à être pleures ou pris en pitié… Ce qui d’ailleurs allégera toujours ma captivité sera la grande satisfaction morale et militaire que j’ai éprouvée le 30 mars et que je continuerai d’éprouver par le souvenir… »

Tandis qu’on lui résiste à la Porte Rouge, l’ennemi a progressé au centre et à gauche, sur le village et à l’entrée N.-O. du parc. Les démolitions lui ont permis de se dissimuler, puis de se rassembler. Les douves du château l’ont abrité : escaladant le mur ébréché, il a pénétré dans la cour, il a couru au château, il y a précédé la 6e compagnie du 97e qui, après avoir épuisé elle aussi ses munitions, battait en retraite. Le commandant Ravaux (3e bataillon), dont la droite en liaison avec le 2e bataillon a été submergée, essaie de faire barrage à l’Ouest du parc en y lançant un peloton de la compagnie de réserve, sous les ordres du sous-lieutenant Roux. Celui-ci, utilisant d’anciens boyaux, ralentit par des combats à la grenade la marche de l’ennemi, réussit à le rejeter vers le parc ; il est blessé, mais garde son commandement. Les quatre compagnies du 97e qui tenaient un front de deux kilomètres contre