Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Par un chemin qui longeait des houblonnières, il se dirigea vers le village dont il apercevait les toits à travers la cime des noyers, il était onze heures du matin. De grands rideaux de brume blonde, pénétrés de soleil, se levaient à la cime des monts, comme soulevés par une main invisible, et découvraient des coins de ciel profond, où montaient en chantant des alouettes.

Il avisa une auberge assise au bord de la route. Une branche de sapins poussiéreuse était pendue au-dessus de la porte et un rosier grimpant enguirlandait la fenêtre de fleurs éclatantes. La grange entr’ouverte laissait voir une cour encombrée de herses et d’un tas de fumier où picoraient des poules nombreuses. Un mâtin dormait le museau sur ses pattes et de grands rais de soleil, traversant la profondeur sombre des greniers, étaient pleins d’un poudroiement lumineux d’atomes.

M. Bourotte entra dans la cuisine. Il y trouva une vieille femme, au visage avenant, encadré d’un bonnet délicatement ruché. Des bassines de cuivre, accrochées au mur, jetaient un éclat ardent dans l’ombre. Affable, elle conduisit le professeur dans une grande salle donnant sur le jardin. Quand elle eut appris de M. Bourotte qu’il avait l’intention de déjeuner, elle commença par se récrier sur la disette des provisions, puis elle lui proposa un repas plantureux, que le professeur refusa, en protestant qu’il aimait les nourritures simples. Bientôt, tout était prêt. L’hôtesse servit l’omelette au jambon, la friture de perches, le plat de champignons récoltés le matin même dans les taillis. Et, pendant que le professeur faisait honneur à ces mets savoureux, familière et bienveillante, ravie de son appétit, qui louait ses mérites de cuisinière, elle vint s’accouder sur un coin de la table et elle lui parla comme si elle l’avait toujours connu.

Elle lui raconta les simples histoires qui forment la vie journalière des villages, les disputes de la boulangère avec la femme du charron, les mariages qui s’y préparaient. Elle blâma aussi la légèreté des jeunes filles qui abandonnaient la campagne pour épouser des commis et porter des chapeaux à la ville. Dans son jeune temps, tout allait mieux. Les paysannes se coiffaient de simples bonnets, chacun restait à sa place, et à livre de mouton se payait cinq sous.

M. Bourotte répondit à ces doléances :