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la fête patronale, j’avais préparé des gâteaux et des tartes, et je me réjouissais à l’idée de revoir mon fils. Mais il n’avait rien fait durant le trimestre, et le principal, homme sévère, ne voulait pas le laisser venir. Paul vous a confié sa peine, vous lui avez donné une sortie de faveur, et ainsi mon fils a pu manger mes friandises. Le soir de cette fête, avant de m’endormir, je vous ai fait une place dans ma prière du soir.

Puis, elle donna l’ordre à une servante d’apporter au visiteur de quoi se rafraîchir et elle sortit, accompagnée de sa fille, pour veiller aux soins qui la réclamaient dans la maison.

Resté seul, M. Bourotte se mit à examiner curieusement l’intérieur lorrain, la grande horloge au balancier de cuivre, les armoires ornées d’arabesques de métal, la maie où l’on pétrit le pain, les assiettes rangées sur le dressoir, ornées de fleurs et d’oiseaux dont les colorations éclatantes vibraient dans la lumière assombrie. Tous les vieux meubles, conservés à force de soins, avaient l’air de raconter des histoires du passé, vénérables et touchantes. Mais il aima surtout la grande cheminée au manteau de pierre, que surmontait un Christ de cuivre. Un grand feu de brindilles l’animait de sa vie crépitante. Les flammes léchaient de leurs langues de feu le ventre arrondi des marmites et des casseroles. Il tendit ses mains à la flamme et songea :

— J’ai fait souvent ce rêve modeste, quand j’aurais atteint ma retraite, d’habiter une vraie maison de paysans, avec un âtre tout pareil à celui-ci. Alors je pourrais m’offrir le luxe insensé, réservé aux seuls barons de la finance et aux magnats de l’industrie, de bercer ma songerie devant de magnifiques flambées par les soirs d’automne nostalgiques. Brûlant les fagots de mon boqueteau et les saules têtards de ma prairie, je pourrais récréer mon imagination par le spectacle magique des palais de flamme, où les Salamandres et les Lutins mènent leur danse infatigable. O plaisirs de la simplicité ! Aimables vertus rustiques ! Les raffinements de la civilisation nous ont interdit ces joies et nous ne contemplons plus que des flammes malodorantes, emprisonnées dans des grillages de fer et des barrières de mica !

Puis ses idées prirent un tour différent :

— Trésor de vérités contenues dans les poètes anciens ! Ceux-ci, ayant connu la nature et l’homme, les ont exprimés