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On ne peut s’empêcher de remarquer que la révolution à façade socialiste que les Allemands sont en train de faire, semble devoir aboutir d’abord à la disparition des frontières intérieures, à l’unification par la démocratie ; le contraste est saisissant et pourrait avoir, si les Alliés n’y prenaient garde, les répercussions les plus dangereuses pour la-sécurité future de l’Europe.

Il est difficile de donner du Bolchevisme une définition adéquate ; c’est un phénomène complexe qui a des aspects généraux et des aspects spécifiquement russes. Le Bolchevisme, tel qu’il sévit en Russie, n’était possible que dans un tel pays. Il a fallu d’abord, pour faire éclore cette plante vénéneuse, la guerre, l’invasion, les énormes pertes que les armées ont subies et qui ont fauché l’élite de la jeunesse et presque tous les meilleurs officiers. Il a fallu le caractère de « l’homme russe, » paysan primitif, illettré, prodigieusement naïf, dominé par la convoitise instinctive de la terre, capable d’un enthousiasme mystique pour un paradis humanitaire en même temps que des passions les plus bestiales, des plus généreux dévouements comme de la plus sauvage brutalité, victime prédestinée des prêcheurs d’utopies et des vendeurs de panacées. Il a fallu, enfin, la propagande et les intrigues secrètes des agents allemands.

Les Bolcheviks prétendent appliquer l’Evangile marxiste tel qu’il a été formulé par Marx et Engels dans le fameux « manifeste du parti communiste » (1847). Quand on lit les textes des décrets et décisions du gouvernement des Soviets, on a, en effet, l’impression d’une certaine logique dans l’absurde. Le Bolchevisme est dangereux, parce qu’en théorie du moins, il n’est pas la pure anarchie ; il se présente comme un pouvoir fort, qui gouverne au nom et au profit des masses. La réalité est tout autre et sombre dans une atroce et sanglante confusion. La Russie est entièrement ruinée ; les ouvriers se sont emparés des usines, ont massacré ou chassé les ingénieurs et le rendement est devenu insignifiant ; il n’y a plus de commerce ; les paysans se sont emparés des terres des grands propriétaires, mais ils osent à peine les cultiver, soit qu’ils craignent des représailles, soit que, la révolution leur ayant rendu la vodka, ils interprètent surtout le nouveau régime comme un droit à la paresse et à l’ivrognerie. L’autorité réelle est