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l’attaquant sur sa face orientale, nous aider à la tenir en respect et à la vaincre. Contre le formidable empire de Charles-Quint, François Ier, roi Très Chrétien, n’hésite pas à lier partie avec Soliman, sultan des Turcs, et concerte ses coups avec les siens. Le cardinal de Richelieu est l’allié de Gustave-Adolphe, roi protestant de Suède. Louis XIV et Louis XV cherchent un appui tantôt chez les Polonais, tantôt chez les Hongrois. Napoléon Ier ébauche, et la troisième République réalise l’alliance avec la Russie. L’événement a justifié cette politique : l’offensive des armées russes a détourné sur elles, dès la fin d’août 1914, des troupes allemandes et autrichiennes dont le poids aurait pu être décisif sur le front Ouest et, jusqu’à la révolution de mars 1917, et même jusqu’au coup de force bolchevique de novembre, la Russie a retenu chez elle et souvent vaincu une partie considérable des armées allemandes et autrichiennes.

Quand la France triomphante se préoccupe de créer en Europe un état de fait qui permette d’assurer aux peuples un long avenir de paix et de stabiliser la victoire du droit, et jette ses regards par delà « les Allemaignes, » ce n’est plus la Russie qu’elle aperçoit au premier plan. Entre la masse russe et la masse germanique, des Etats nouveaux ou agrandis vont s’interposer ; la politique française trouvera désormais en eux « la puissance » située de l’autre côté du monde germanique ; elle ne saurait donc se désintéresser, même si elle n’avait pas d’autres raisons d’être sympathique à ces nouveaux venus, de leur croissance et de leur organisation. Après le traité de Versailles, il n’y aura plus aucun contact territorial entre l’Allemagne et la Russie ; entre elles, la Pologne et la Lithuanie formeront écran. Si l’on veut bien réfléchir aux conséquences de cette modification de la carte politique de l’Europe, on s’apercevra que la résurrection de la grande victime de la politique des partages suffirait à elle seule pour modifier profondément les conditions de la vie, des relations et de l’équilibre des Puissances. La logique des faits et des caractères mettra nécessairement la Pologne, reconstituée avec Posen, Dantzig et la Haute-Silésie, en opposition avec l’Allemagne. La Pologne sera grande ou elle ne sera pas. Une petite Pologne, telle qu’on le concevait à Berlin en 1917, aurait été forcée de demeur.er dans la mouvance de l’Allemagne ; une grande Pologne ne peut être que l’ennemie du germanisme. On compte