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POÉSIES

ODE A LA NUIT DU 14 JUILLET 1918


Salut ! Nuit formidable, où le chœur des Victoires
Sembla, pour étonner les futures Histoires,
D’un clairon d’Archange jaillir,
Nuit qui fis dans leur fosse, au souffle de tes ailes,
Nos morts de l’autre guerre, ardentes sentinelles,
Se redresser et tressaillir !

Salut ! ô Gloire en deuil ! Notre orgueil est austère :
La fleur de notre vie a trop nourri la terre
Sous l’herbe triste des tombeaux.
Apparais-nous, ô désirée, ô Bien-Aimée,
Sur la colline, en robe noire, ô Vierge armée
Dont les pieds sanglants sont si beaux !




Paris, blessé farouche, indomptable et tranquille,
Dormait. Aux douze coups de minuit, sur la ville,
Un dais de flamme se tendit :
Le ciel entier de l’Est flamboya. Les nuées
Saignèrent, et leur pourpre, en de fauves trouées,
Montra l’approche du Maudit,

Ses meutes, ses féaux et ses troupeaux d’esclaves.
Dogues d’acier, bétail de chair, serfs et burgraves,
Aboyant, crachant des poisons.
Hommes couleur de boue, armes couleur de fange,
Forêt mouvante, muscle et métal, et qui change
Jusqu’aux formes des horizons.