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Votre excuse est que vous ne savez pas ce que mon frère a été pour moi.

— Et vous, lui répondit-elle, en le dévisageant fixement, êtes-vous sûr de savoir ce que vous avez été pour lui ? Et passant la porte, sans cesser de tenir son interlocuteur sous son triste et passionné regard : Mais vous le saurez. Vous le saurez.


IV

Ce que j’ai été pour lui ! me dit Blaise, quand la porte se fut refermée sur la silhouette, d’abord si humble, et, soudain, si âprement agressive de la visiteuse. C’est logique. Ce coquin devait parler de moi dans ces termes ! Nous apprendrons quelque jour que c’est moi qui l’ai mené au café, aux courses et chez les filles.... Quelle boue, mon ami ! Quelle boue !... Ce que j’ai été pour lui !... Tu l’as entendue, et : Vous le saurez... Ce n’est donc pas fini... Qu’est-ce que je saurai ? Il réfléchit un instant, puis, avec une amertume dégoûtée : Il y avait une menace là dedans.

— Quelle menace ? demandai-je, étonné d’un trouble si contraire à sa discipline habituelle. Qu’est-ce qu’elle peut bien faire ?

— Un second essai de chantage, puisque le premier n’a pas réussi, ou de vengeance.

— Je ne le pense pas, fis-je à mon tour. Je l’ai bien étudiée pendant qu’elle te parlait. Ce n’est pas une mauvaise femme. C’est une bourgeoise dévoyée, trop faible pour se reprendre et qui a reporté sur son enfant toute sa conception d’une vie honnête et décente.

— Allons donc ! interrompit-il vivement. C’est une drôlesse et qui a, ou qui croit avoir une arme contre moi... Laquelle ? Et, comme se parlant à lui-même : Des lettres de mon père peut-être et qui me prouveraient que ce misérable Amédée était arrivé à l’abuser sur nos rapports ? La dernière goutte du calice. J’ai bien bu le reste... Et ils ont appelé cet enfant Jules ! continua-t-il en s’adressant à moi de nouveau. Jules, le prénom de mon père !... Est-il seulement l’enfant d’Amédée ?... Et cette histoire de ce garçon élevé par une vertueuse