Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Henri Quillard à du Mont, un maître dont Versailles évoque, impose le souvenir, et qui fut supérieur même à Lulli dans l’ordre religieux [1]. A l’époque où du Mont prit la direction de la maîtrise royale (en 1663), celle-ci ne comprenait guère plus de vingt-quatre chanteurs, en dehors du chœur des enfants. « A la messe du Roi, » noua apprend encore M. Quittard, « on exécute ordinairement trois motets : l’un assez long, qui dure depuis le commencement jusqu’à l’Elévation, c’est-à-dire environ un quart d’heure ; un autre à l’Élévation, plus simple et plus court, dit par deux ou trois voix choisies, lequel va jusqu’à la Post-Communion ; et, pour finir, un Domine salvum avec tout le chœur. Tel est le programme de tous les jours. Quant aux offices plus solennels des fêtes, la disposition en reste à peu près pareille, sauf que les morceaux pourront être de proportions plus amples. Les grands motets en plusieurs parties, écrits sur le texte entier d’un psaume, ont dû trouver là leur emploi. »

Aussi bien, dans le Versailles d’aujourd’hui, les souvenirs musicaux, sacrés ou profanes, du règne du Grand Roi, ne savent plus guère, en quelque sorte, où se fixer. Ils flottent un peu dans l’air et sur les eaux, La chapelle que nous admirons ne fut achevée qu’en 1710. Il ne subsiste rien de celles qu’elle a remplacées. Tout a disparu, de ces théâtres de fortune, splendides et fragiles décors, chefs-d’œuvre de luxe et d’élégance, nés du caprice d’un jour. En 1668, après la campagne de Flandre et de Franche-Comté, le Roi, désireux de plaire encore à La Vallière et déjà peut-être à Montespan, fait élever dans le parc une salle tendue des tapisseries de la Couronne, éclairée par trente-deux lustres de cristal. Trois mille spectateurs y applaudissent « une agréable comédie de Molière » (George Dandin), avec symphonie, « la plus surprenante et la plus merveilleuse qui fut jamais, » quelques scènes chantées par les plus belles voix du monde, diverses entrées de ballet, et, pour finir, le Triomphe de Bacchus, qui fut le triomphe de Lulli.

Déjà, quatre années auparavant, au mois de mai 1664, en ce même Versailles qui « commençait, » rapporte Molière, « d’être un séjour délicieux, sans approcher de la grandeur dont il fut depuis [2], » les Plaisirs de l’île enchantée avaient duré trois

  1. Un musicien en France au XVIIe siècle. Henry Du Mont (1610-1684), par M. Henri Quittard. (Au Mercure de France.)
  2. Molière, Relation sur les fêtes de Versailles.