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jours. Le troisième jour, il y eut « trois îles sur un rond d’eau ; deux » étaient « couvertes de musiciens. » Un autre jour, une sorte de camp avait été établi pour une course de bagues. La nuit venue, « le camp fut éclairé de lumières et, tous les chevaliers s’étant retirés, on vit entrer l’Orphée de nos jours, — vous entendez bien que je veux dire Lulli, — à la tête d’une grande troupe de concertants, qui, s’étant approchée au petit pas et à la cadence de leurs instruments, se séparèrent en deux bandes à droite et à gauche du haut dais, en bordant les palissades du rond. Les violons jouèrent pendant l’entrée des quatre saisons, dont les montures étaient un cheval d’Espagne pour le printemps, et, pour les autres, un éléphant, un chameau et un ours. » C’est par une telle nuit qu’un vent léger s’éleva, mais n’éteignit point les flambeaux : « un peu de vent, » raconte encore Molière, « qui sembla n’avoir augmenté que pour faire voir que la prévoyance et la puissance du Roi étaient à l’épreuve des plus grandes incommodités. » Voilà peut-être une occasion, voire une raison, et même historique, de corriger ainsi levers fameux de la Rose de l’Infante :


Tout sur terre appartient aux rois, même le vent.


Louis XV, assure un contemporain , avait la voix la plus fausse de son royaume. Il était cependant sensible à la musique. La Reine témoignait pour l’art musical d’un goût très vif, sinon tout à fait pur. Le Dauphin, Mesdames, la marquise de Pompadour, l’aimaient également. Un peu plus tard, Marie-Antoinette la chérira davantage encore. Ainsi, de siècle en siècle, de règne en règne, Versailles demeure mélodieux.

Le duc de Luynes, en ses Mémoires, écrit de Marie Leczinska : « Elle aime la musique. » Il est vrai qu’autre part il ajoute : « mais elle aime encore mieux le cavagnole, quoiqu’elle n’en convienne pas... » Ailleurs : « Elle joue de plusieurs instruments, médiocrement à la vérité, mais assez pour s’amuser. Elle a la voix fort petite, mais fort douce. » Aussi bien, d’après le président Hénault, l’auguste musicienne ne s’en faisait point accroire : « Elle se moquait d’elle-même, quand elle se méprenait, avec cette gaieté, cette douceur, cette simplicité, qui siéent si bien à de si illustres personnages. »

Elle avouait même sa faiblesse pour un genre de musique