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l’occasion de son premier mariage avec l’infante d’Espagne, en 1745, que fut édifié le théâtre provisoire de la Grande Ecurie, que nous montre encore, disposé en salle de bal, un admirable dessin de Cochin. Là fut représentée, le 23 février, la Princesse de Navarre, comédie-ballet en trois actes, de Voltaire pour les paroles, et, pour les divertissements, de Rameau. Au mois de décembre suivant, l’ouvrage fut repris, à Versailles toujours, sous une autre forme, purement lyrique, et sous ce titre, différent aussi : Les Fêtes de Ramire. Voltaire se prêta d’assez mauvaise grâce à la transformation littéraire. Pour les raccords musicaux, récitatifs ou petits airs destinés à relier ensemble les morceaux de la partition primitive, c’est à Rousseau qu’on s’adressa, d’abord. Il accepta tout de suite, et de bon cœur. Dans une lettre à Voltaire, il l’assure que « depuis quinze ans il travaille pour se rendre digne de ses regards » et le prie de lui signaler les endroits « où il se serait écarté du beau et du vrai, c’est-à-dire de sa pensée » (à lui. Voltaire). « Quel que soit pour moi le succès de ces faibles essais, ils me seront toujours glorieux s’ils me procurent l’honneur d’être connu de vous. » Voltaire aussitôt de répondre, dans le même style, félicitant Rousseau, poète et musicien, « de réunir deux talents qui ont toujours été séparés jusqu’à présent : deux bonnes raisons pour moi de vous estimer et de chercher à vous aimer. » On sait de reste ce qu’il advint plus tard de cette connaissance, de cette estime et de cette amitié. Quoi qu’il en soit, dès la première répétition des Fêtes de Ramire, le travail de Rousseau parut insuffisant et c’est à Rameau que fut remis le soin d’assurer sous une nouvelle forme la représentation de son œuvre primitive, où d’ailleurs plus d’une retouche de Jean-Jacques a subsisté. Déjà, deux mois auparavant, le 27 novembre, sur le même théâtre, un autre ouvrage de Voltaire et Rameau, le Temple de la Gloire, avait été donné. C’est de cette année 1745 que date la faveur de Rameau. Nommé compositeur de la Chambre du Roi, « désormais il n’y eut pas, dans la famille royale, une noce ou un baptême où l’on ne voulut entendre un divertissement de sa façon [1].

[2]

  1. Rameau, par M. Louis Laloy ; chez Laurens (collection des Musiciens célèbres).
  2. Voir l’ouvrage de M. .Julien Tiersot : Jean-Jacques Rousseau (Alcan, collection des Maîtres de la Musique).