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Petits Cabinets, « quand le front royal se rembrunit, elle se met au clavecin, chante l’opéra en vogue ou l’une de ces simples chansons du temps, fraîches et joyeuses, qui conviennent aux harmonies délicates de sa voix [1]. »

Comédienne et musicienne, il lui faut bientôt un théâtre, son théâtre privé, de musique et de comédie. La comédie de salon commençait alors d’être à la mode. Une femme qui prétendait, — comme tant d’autres, — à la faveur royale, « Mme de la Marck, en avait pris l’initiative et jouait l’opéra dans son appartement du château avec une troupe formée de ses amis sans aucun acteur de profession [2]. » La marquise eut bientôt résolu de faire de même, et mieux encore. Nous avons le tableau du personnel et les statuts de la compagnie qu’elle forma. Au nombre des « sujets » figuraient les ducs de Nivernais et de Duras, MM. d’Ayen, de Meuse et de Croissy, Mme de Sassenage et de Pons, la duchesse douairière de Brancas. M. de La Vallière (un troisième duc) était régisseur et l’abbé de la Garde soufflait. Aussi bien, nul n’était admis à l’honneur de monter sur cette scène, qui n’eût déjà paru sur une autre. Et voici quelques articles du règlement, relatifs et favorables aux dames. « Article 7. Les actrices seules jouiront du droit de choisir les ouvrages que la troupe doit représenter. — Article 8. Elles auront pareillement le droit d’indiquer le jour de la représentation, de fixer le nombre des répétitions, et d’en désigner le jour et l’heure. — Article 9. Chaque acteur sera tenu de se trouver à l’heure très précise désignée pour la répétition, sous peine d’une amende que les actrices seules fixeront entre elles. — Article 10. On accorde aux actrices seules la demi-heure de grâce, passé laquelle l’amende qu’elles auront encourue sera décidée par elles seules [3]. »

Le répertoire du Théâtre des Petits Cabinets ne fut d’abord que de comédies. On débuta par Tartuffe, où Mme de Pompadour joua sans doute le rôle de Dorine. Un orchestre peu nombreux exécutait quelques intermèdes. L’auditoire comptait seulement, y compris le Roi, quatorze personnages, du plus haut rang. Peu à peu la musique et la danse, où la marquise excellait également, alternèrent avec la comédie. Le Dauphin et la Dauphine furent invités. Un soir, le 18 mars 1747, la Reine

  1. Louis XV et Mme de Pompadour, par M. de Nolhac.
  2. Louis XV et Mme de Pompadour, par M. de Nolhac.
  3. Louis XV et Mme de Pompadour, par M. de Nolhac.