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elle-même ne put refuser de paraître. Le spectacle choisi pour elle commença par le Préjugé à la mode, de la Chaussée, que suivit un petit opéra de Mondonville, Bacchus et Erigone. « Mme de Pompadour joua tout au mieux : elle n’a pas un grand corps de voix, mais un son fort agréable, de l’étendue même dans la voix ; elle sait bien la musique et chante avec beaucoup de goût. Elle fait Erigone. Mme de Brancas, qui fait Antinoé, joue assez bien ; elle a une grande voix, mais ne chante pas avec le même goût que Mme de Pompadour... Les danses, qui sont faites par Deshayes, de la Comédie italienne, sont fort jolies ; il n’y a de femme qui danse que Mme de Pompadour. M. de Courtenvaux, qui est un grand musicien, danse avec une légèreté, une justesse et une précision admirables. Mme la Dauphine, qui était enrhumée, ne put venir à ce petit spectacle ; ainsi il n’y avait que le Roi, la Reine, M. le Dauphin et Mesdames, sans aucune représentation : le Roi et la Reine sur des chaises à dos, M. le Dauphin et Mesdames sur des pliants [1]. »

Deux ans plus tard, la favorite se donna le plaisir de paraître sur un autre théâtre. A sa demande et suivant ses indications, le Roi l’avait fait construire dans le grand escalier des ambassadeurs, à la place où les violons de Louis XIV donnaient autrefois leurs concerts. Salle, scène, machinerie, tout l’édifice pouvait se démonter en dix-sept heures et se remonter en vingt-quatre. La dépense fut de soixante-quinze mille livres. D’aucuns, assure-t-on, en murmurèrent. Ce qu’ayant appris, Mme de Pompadour, un matin, à son lever, se plaignit à son tour : « Qu’est-ce qu’on dit ? Que le nouveau théâtre coûte deux millions ? Je veux bien que l’on sache qu’il ne coûte que vingt mille écus, et je voudrais bien savoir si le Roi ne peut mettre cette somme à son plaisir. Et il en est ainsi des maisons qu’il bâtit pour moi. »

Cochin, à qui l’on doit une vue du théâtre de la Grande Ecurie, a peint également, à la gouache, ce théâtre du Grand Escalier pendant une représentation d’Acis et Galatée, de Lulli. Acis, c’est le vicomte de Rohan. Mme de Pompadour (Galatée) « porte une grande jupe de taffetas peinte en roseaux et coquillages, un corset rose tendre et une mante de gaze vert et argent, en un mot tout son costume de la soirée du 23 janvier

  1. Cité par M. de Nolhac.