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1749. Dans la tribune se reconnaissent, auprès du Roi, vêtu de gris, la Reine et les trois Mesdames, Henriette, Adélaïde et Victoire, toutes tenant à la main le livret de l’opéra. L’étroit balcon à un seul rang où les spectateurs ont le cordon bleu, et le parterre au-dessus des musiciens, réunissent une petite assemblée de choix, habits clairs et perruques poudrées, grands seigneurs, gens de lettres, amis personnels de la marquise [1]. »

Los années passent et, dans les cérémonies mondaines et religieuses de la Cour, la musique ne perd pas ses droits. La Gazette de France continue d’annoncer ou de relater des messes, vêpres ou saluts solennels, des concerts chez la Reine, chez le Dauphin et chez la Dauphine. C’est en ce temps-là qu’auraient pu se rencontrer et se connaître à Versailles, inégaux par l’âge et le génie, les deux futurs auteurs de l’un des chefs-d’œuvre de la comédie littéraire et de la comédie musicale ! On sait que « Beaumarchais, venu pour la première fois à Versailles comme horloger, y reparut en qualité de musicien [2]. » Les familiers du château connaissent bien, au premier étage de l’aile droite, une pièce de petites dimensions, qui donne, par une seule fenêtre, un peu en retrait, sur la cour royale. La décoration, de deux ors différents, en est exquise. Au plafond, dans l’une des voussures, une joueuse de lyre, en or jaune, trône sur un nuage d’or vert. C’est ici le salon de musique de l’excellente musicienne, que fut Mme Adélaïde. C’est ici que Beaumarchais, vers sa trentième année, jouait de la harpe et chantait devant « Loque » et ses sœurs, qu’il leur donnait des leçons et dirigeait leurs concerts. Le Roi, la Reine et le Dauphin y assistaient volontiers. On rapporte qu’un jour le Roi daigna céder son fauteuil au virtuose favori de ses filles. Enfin, c’est dans le même salon, — et cet autre souvenir le consacre encore davantage, — que se posèrent sur le clavecin de Mesdames les mains enfantines de Mozart.

Wolfgang arriva pour la première fois à Versailles le 25 décembre 1763. Il était âgé de sept ans. Sa première visite fut pour la chapelle. Son père écrit un mois après : « Nous sommes arrivés le soir de Noël, et nous avons assisté, dans la

  1. M. de Nolhac. op. cit.
  2. Beaumarchais, par M. André Hallays. Hachette, Les grands écrivains français.)