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chapelle, aux trois saintes messes de la nuit. J’ai entendu à Versailles de bonne et de mauvaise musique. Tout ce qui était pour des voix seules et qui devait ressembler à un air, était vide, glacé et misérable, c’est-à-dire français ; mais les chœurs sont bons et même excellents. Aussi suis-je allé tous les jours, avec mon petit homme, à la messe du Roi dans la chapelle royale, pour entendre les chœurs dans les motets qui se chantent à tous les offices. La messe du Roi est à une heure, sauf quand il va à la chasse ; ces jours-là, sa messe est à dix heures, et la messe de la Reine à midi et demi. » En cette même chapelle, Mozart ne se contenta pas d’écouter : il joua de l’orgue, devant la cour, avec un vif succès.

Mme de Pompadour voulut le voir et l’entendre. Belle encore, au dire du père Mozart, imposante, ayant dans les yeux quelque chose de l’impératrice Marie-Thérèse, la marquise fit placer le petit garçon debout sur une table, devant elle. Mais comme il lui tendait les bras pour l’embrasser, elle le repoussa. L’enfant alors de demander, avec dépit : « Quelle est donc celle-ci, qui ne m’embrasse pas ? L’Impératrice m’a pourtant embrassé. »

La famille royale, au contraire, l’accueillit le plus gracieusement du monde. Le jour du nouvel an 1764, Wolfgang, avec son père, sa mère et sa sœur, est admis au grand couvert. La Reine le prend à côté d’elle, lui parle allemand et le bourre de friandises. Au mois de mars, invité par Mesdames, il présente à Madame Victoire, et peut-être il les lui joue, deux sonates de sa composition, dédiées à la princesse. Deux ans après, repassant par Versailles, il s’y fait encore entendre. Ainsi, dans le salon doré, sous les Voûtes de la chapelle, parmi tat)t de figures ou d’ombres illustres qui nous reviennent en mémoire, l’une des plus grandes est celle d’un enfant, ou, comme a dit Goethe, se rappelant Mozart, d’un « petit bonhomme, avec sa perruque frisée et son épée. »

A Versailles cependant, le goût de la musique ne faisait que s’accroître. Des théâtres de fortune, comme ceux du Manège, de la Grande-Ecurie ou du Grand-Escalier, ne pouvaient désormais plus suffire aux représentations. Louis XV décida la construction d’un théâtre définitif, d’un théâtre d’opéra. Ce fut le chef-d’œuvre de Gabriel. On l’admire encore aujourd’hui. Mais, hélas ! on ne peut plus l’admirer tout entier. « C’était la plus belle salle de France, et la richesse de l’ornementation