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qui ont voué tous les efforts de leur bonne volonté à la préparation de la concorde nationale. Est-ce le prélude de la paix religieuse qu’a méritée ce peuple de France qui a tant combattu, tant travaillé, tant souffert afin de conquérir par une juste victoire son indépendance politique et l’intégrité de son domaine trop longtemps mutilé ?

Je revois toutes ces images d’hier, en suivant la route de Rouffach, par où l’on entre dans les rues pittoresques de la vieille ville de Colmar, encore toute frémissante de l’émoi dont elle fut saisie, ces jours derniers, en voyant descendre, du haut des Vosges proches, nos soldats libérateurs. Ah ! le beau Noël, tout illuminé du sourire de la patrie retrouvée ! En Alsace, Noël est la fête de famille par excellence. C’est le moment solennel où, dans la bonne chaleur du foyer, dans la maison bien abritée contre le vent, contre la pluie, contre la neige, autour du sapin étincelant de lumières, la coutume séculaire et patriarcale rassemble les parents et les enfants, les vieux et les jeunes, ceux qui se souviennent et ceux qui espèrent, — tout le passé et tout l’avenir.

Un passant, avec qui je lie conversation, me fait la description du premier régiment français qui, depuis l’armistice, passa par Colmar, venant d’Eguisheim, dont les vieilles tours sont encore debout parmi les vignes, aux premières pentes des Vosges, et alla cantonner à Horbourg, où l’on peut voir encore, au cimetière, près de l’église, les tombes des Colmariens tombés au champ d’honneur, le 14 septembre 1870, en essayant de défendre leur cité contre un ennemi dix fois supérieur en nombre.

— Quand nous avons entendu les clairons, me dit mon interlocuteur, nous sommes tous venus sur la route, au-devant des soldats français. Femmes, enfants, vieillards, tout le monde était sorti. Dans les maisons, il n’y avait plus personne. En un clin d’œil, la ville entière s’était pavoisée comme par enchantement. Les cocardes tricolores fleurissaient aux boutonnières des vieilles redingotes, au revers des vestes neuves, aux rubans flottants des coiffes alsaciennes. En même temps, toutes les autorités allemandes avaient filé, disparu comme par une trappe. L’exemple de la fuite avait été donné par les officiers de la « Kommandantur, » ceux-là mêmes qui s’étaient montrés si arrogants après les affaires de Saverne, si durs pour Hansi,