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LE PREMIER NOËL EN ALSACE DÉLIVRÉE.

l’Alsace veut redevenir française. Parbleu ! Bref, on le condamne à un an de prison… C’était au mois de juillet 1914, vingt jours à peine avant l’heure où l’Allemagne, ayant longtemps prémédité, préparé son agression, déclara la guerre à la France…

— Et depuis la déclaration de guerre, que s’est-il passé à Colmar ?

— Ah ! monsieur, si vous voulez bien comprendre la douceur et le charme de ce premier Noël en Alsace délivrée, l’élan de nos âmes en fête, la sensation de liberté qui succède à l’état de gêne et de contrainte où les Allemands nous avaient réduits, pensez à toutes les mesures vexatoires par lesquelles, en temps de guerre, ils ont aggravé le régime d’oppression qui déjà, depuis près d’un demi-siècle, pesait sur nos épaules. Pensez-y, quand vous verrez à l’hospice, à l’orphelinat, ailleurs encore, nos arbres de Noël et la joie de nos enfants autour des branches du sapin vosgien, alsacien, toujours vert, sans lequel, chez nous, il n’y a pas de bonne fin d’année ni de réjouissances du nouvel an.

À l’orphelinat de Colmar, plusieurs centaines d’orphelins, garçons et filles, sont réunis autour d’un beau sapin de Noël, dont les aiguilles vertes brillent aux feux de l’électricité comme des pointes d’émeraude. Aux branches de l’arbre illuminé sont attachés des jouets enrubannés, des paquets de friandises, toutes sortes de bonnes et jolies choses, dont l’aspect engageant égaye tous ces visages enfantins, longtemps déshabitués du sourire.

Le général de Castelnau, assis au premier rang des invités, préside paternellement cette fête de famille. Il est en dolman noir, sans autres décorations que la médaille militaire, la Croix de Guerre, la médaille commémorative de l’Année terrible et la plaque de la Légion d’honneur. À côté de lui est assis un jeune commandant, portant sur sa vareuse bleu horizon, avec la palme des braves, l’insigne distinctif des membres du Conseil d’État : c’est M. Henry Poulet, maître des requêtes, commissaire de la République en Haute-Alsace, administrateur sage, avisé, aussi prompt aux décisions nécessaires que disposé aux précautions conciliantes, et qui reprend, à Colmar, comme si la présence de la France n’avait jamais été interrompue dans cette cité française, les traditions inaugurées par ses prédécesseurs, depuis plusieurs siècles, au chef-lieu de la subdélégation