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de l’intendance d’Alsace, comprenant les bailliages de Thann, Ensisheim, Ollwiller, Sainte-Croix, Riquewihr, Ribeauvillé, la vallée de Munster, ainsi que les anciennes villes impériales de Turckheim, de Kaysersberg et Neuf-Brisach. Ici, tous les aspects du présent se rattachent à des visions du passé. En voyant, à côté des représentants de l’autorité militaire et civile, le chef de la justice française en Alsace, M. Siben, Alsacien, avocat général près la Cour d’appel de Paris, délégué dans les fonctions de président du Tribunal supérieur d’Alsace et de Lorraine (Oberlandsgericht) en attendant la reconstitution de l’ancienne Cour d’appel de Colmar, je songe aux magistrats Français de ce Conseil souverain d’Alsace, qui fut jadis institué par la France, et où siégea le père de Bossuet… Je pourrais préciser tous ces souvenirs français par une conversation avec le savant bibliothécaire de la ville de Colmar, M. André Waltz, le père de Hansi, que j’aperçois justement dans l’assistance, et qui en sait long sur les titres de noblesse de sa cité natale, ayant consacré sa vie à l’étude de toutes les reliques vivantes qui évoquent, du fond des siècles, les innombrables preuves de l’attachement voué à la France par l’Alsace toujours fidèle.

Mais les personnes présentes à cette fête de l’arbre de Noël chez les orphelins de Colmar ont les yeux tournés vers un spectacle qui nous offre une touchante vision d’avenir. Voici que les orphelins, garçonnets et fillettes, sont rangés, en belle ordonnance, sur l’estrade. Un orchestre leur donne le ton. Et tous ces enfants, qui ne savent pas le français, chantent la Marseillaise.

Allons, enfants de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé !

Toute la salle est debout. Le souffle d’une immense espérance a passé sur toutes les âmes. Une émotion religieuse étreint les cœurs. Le chant de guerre de l’armée du Rhin, composé à Strasbourg par un officier de cette armée, résonne ici comme un cantique. Les petits chanteurs de l’orphelinat de Colmar prononcent les paroles de notre hymne national avec un accent de gravité pieuse. On sent qu’ils accomplissent un acte solennel, en ce jour de fête chrétienne et française qui met fin à une longue période d’asservissement, de deuil et de séparation, en réunissant dans l’allégresse d’une renaissance