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LE PREMIER NOËL EN ALSACE DÉLIVRÉE.

sacrifices, de recevoir, comme une part de gloire méritée, en ces jours de fierté nationale, l’hommage de la reconnaissance que la France réserve à ceux qui l’ont bien servie.

Parmi ces petits Français d’Alsace, qui sont ici réunis autour des hauts représentants de nos armées de terre et de mer, on pourrait trouver déjà des serviteurs du pays, capables de mériter, en même temps que la récompense de leurs travaux scolaires, une citation à l’ordre du jour. Les archives des « Conseils de guerre extraordinaires » que les Allemands ont institués à Strasbourg, à Colmar, à Mulhouse, nous permettront de retrouver et de citer les noms de tous les enfants d’Alsace qui furent traduits devant cette terrible juridiction, pour y répondre de leur incorrigible attachement à la mère patrie. On y retrouvera notamment l’état civil de deux jeunes délinquants, que les gazettes officieuses de l’Empire n’ont pas osé désigner autrement que par leurs initiales, et qui, sur les réquisitions du procureur général impérial, ont comparu, en 1915, devant le Conseil de guerre de Colmar. Ils avaient chanté des chansons françaises. Ils avaient ri tout haut, en passant devant la « Pierre de Bismarck, » sorte de fétiche, que les Allemands avaient dressé près de la gare, et qui a disparu. Ces deux enfants de Colmar, qui furent envoyés dans une colonie pénitentiaire où, sans doute, hélas ! ils sont encore enfermés, étaient âgés respectivement de huit et de onze ans…

On m’a conté qu’en 1871, à Versailles, un Anglais, M. William Jones, très sceptique en tout ce qui concernait l’avenir de l’Empire allemand, dit à Bismarck : « Comment ferez-vous. Excellence, pour dénationaliser l’Alsace ? » Et Bismarck répondit : « Nous leur prendrons leurs enfants et nous les élèverons dans nos écoles allemandes. » À cette insolente prétention, la conscience des enfants d’Alsace a répondu. C’est en vain que les Conseils de guerre de l’Empire allemand, siégeant en Alsace et appliquant la loi martiale dans toute sa rigueur, ont mis en prison l’élève Jean Ingold, coupable d’avoir peint des drapeaux français sur le mur de la classe avec cette inscription : « Vive la France ! », — en prison l’élève Jules Vonfeld qui manqua de respect à l’égard d’un buste d’Hindenburg, — en prison l’élève Eugène Reiss, coupable d’avoir fredonné la Marseillaise à l’école, — en prison l’élève Edmond Sporndle, pour avoir dit à un de ses camarades, en 1915 : « Les bulletins offi-