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les parents, prévenus, arrivèrent à l’hôpital, ils n’eurent devant eux qu’un cadavre.

Dès que l’abominable fait se fut ébruité, il y eut dans toute notre ville un frémissement d’indignation. Le docteur et Mme Vanneuverswyn durent en silence dévorer leur douleur. Ils avaient, en effet, tout lieu de craindre que le corps de leur enfant ne pût être ramené à Fives et là, dans la ville natale, recevoir les derniers honneurs. Ce surcroit d’affliction leur fut épargné. L’enfant assassiné reparut dans la maison de famille. Et le 9 novembre, de pathétiques obsèques, auxquelles assista une foule recueillie, que précédaient toutes les notabilités de la ville, honoraient les restes du noble petit Lillois.

Une semaine plus tard, l’horrible scène de Tourcoing avait, dans Lille hors les murs, au quartier qui a nom : le faubourg du Sud, son funèbre pendant. Cette fois, ce n’était plus sur un jeune homme que la soldatesque germanique dirigeait sa férocité : c’était sur une jeune fille. Les circonstances de l’événement sont encore, à l’heure où j’écris, assez obscures. Les autorités allemandes ont fait, autant qu’il était en elles, le mystère. Les décisions qu’elles ont prises ont eu pour objet, nous le verrons, d’intervertir les responsabilités. Toutes les communications entre ce quartier de Lille et le gros de la ville étant interdites, la difficulté demeure très grande de démasquer l’imposture. Voici, en gros, ce que l’on nous a appris. C’était sans doute le 13 novembre. Un jeune homme, coutumier parait-il de la cueillette des pommes de terre, sévèrement réprimée par ordre des Kommandanturs, avait plusieurs fois été pris en flagrant délit et mené en prison ; mais il s’était toujours échappé de sa geôle avec une remarquable habileté. Une fois de plus, il venait de s’échapper ; une fois de plus, un policier militaire; lui avait mis la main au collet et le ramenait en prison. Il se nomme D... ; ses parents sont de pauvres ouvriers. Comme on le reconduisait, sa sœur qui avait assisté à l’arrestation, se précipite vers lui et jette sur ses épaules un manteau pour le garantir du froid. Le stupide policier se croit-il menacé par ce geste ? S’imagine-t-il que cette jeune fille sans armes allait lui ravir son prisonnier ? Tant il y a que le misérable ajuste son revolver et fait feu. La pauvre enfant, frappée au sein, tombe raide morte.

Cette fois encore, comme pour l’assassinat du pauvre petit