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popularité royale le désignait comme une proie si facile, qu’il n’y aurait guère eu de mérite à en faire une victime. Resterait à prouver pourtant que ces provocations aient été mises en jeu à son égard ; mais on a pu légitimement en chercher les traces, car l’émoi avait été porté à son comble à Naples.

Si nuls que fussent les moyens dont Murat disposait, les terreurs que Ferdinand IV et ses ministres éprouvaient à la simple nouvelle qu’il était en Corse et qu’il préparait une expédition contre quelque point des États de terre ferme, démontraient que le gouvernement à la française de Joseph et de Joachim avait laissé des traces plus profondes qu’on ne l’eût pensé à entendre les acclamations qui avaient salué sa chute, et la réaction, si différente qu’elle fût de cette de 1799, n’en avait pas moins lésé tant d’intérêts et dérangé tant d’habitudes, qu’elle avait provoqué des inimitiés profondes. Des mesures militaires furent donc prises pour prévenir cette invasion, ou la repousser ; mais faut-il croire que, moins que sur les mesures militaires, les ministres comptaient sur des menées policières, que certains historiens ont exposées peut-être avec plus d’imagination que de clairvoyance ?

On aurait eu à convaincre Murat, — et quelle tâche facile, étant donné son état d’esprit ! — que ses fidèles sujets des Calabres l’attendaient avec impatience et que, si Naples était occupé par une forte garnison autrichienne, cela n’avait aucune importance. A ce dessein, Medici, ministre des Affaires étrangères et de la Police, aurait employé quantité de gens qui, sciemment ou non, auraient coopéré à son plan. Le baron Petroni, intendant de Monteleone, ancien serviteur de Murat, aurait accepté un des rôles principaux : moyennant vingt mille ducats, il aurait écrit au Roi que ses fidèles Calabrais comptaient sur sa prochaine venue ; il aurait inspiré des lettres et des adresses à des muratistes sincères et les aurait transmises à des agents que Medici aurait envoyés en Corse pour confirmer oralement ce qu’on aurait écrit d’autre part.

Certains muratistes de marque, des généraux, un surtout, que le roi Joachim avait comblés de ses faveurs, auraient été soupçonnés, sinon convaincus, d’avoir participé au complot. Ainsi, le général Colletta aurait fait savoir qu’il obtiendrait l’envoi à Monteleone d’un des anciens régiments de la Garde royale devant lequel Murat n’aurait qu’à paraître pour