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l’entraîner. Mais était-il besoin de Colletta ? Murat lui-même aurait recruté des agents pour le roi Ferdinand. Ce fut lui qui appela de Porto-Longone au Vescovato, Barbara, ancien corsaire maltais, qu’il avait fait capitaine de frégate et baron du royaume. Il le chargea du nolis des bateaux et de leur commandement général. Or, Medici n’aurait pas manqué de pratiquer aussitôt cet individu et d’entrer en compte avec lui. Barbara serait devenu la cheville ouvrière de la combinaison : il devait trouver les bateaux, les affréter, les commander, et, par des routes soigneusement éclairées, les conduire au point choisi pour le débarquement.

Telle est la version qui semble prévaloir, et elle flatte assurément le goût qu’a le public pour les romans policiers. Il reste à prouver qu’elle est authentique. Les ministres de Ferdinand ont à coup sûr cherché à défendre le royaume contre une descente de Murat : ce pourquoi ils ont envoyé à Bastia une division de chaloupes canonnières, mais d’agents qu’ils aient expédiés en Corse, on n’en trouve positivement qu’un seul, un des anciens serviteurs de Murat, nommé Carabelli, chargé de le détourner de l’expédition dont on lui attribuait le projet et de lui représenter les périls qu’il courrait. Les ministres ont peut-être augmenté les forces de police sur certains points des côtes ; mais l’on n’a apporté aucune preuve des autres allégations que. certains faits acquis démentent formellement.

Murat n’avait aucun besoin d’être incité au coup de folie qu’il allait commettre, mais il eût pu en être détourné par des contraintes extérieures ; ainsi l’embargo mis à Bastia sur les bateaux qu’il avait achetés ; ainsi l’impossibilité de trouver d’autres bateaux à Ajaccio, ou l’entrée dans le golfe de la frégate anglaise et de la division sicilienne ; ainsi le manque d’argent.

Bien n’était venu de Naples par Lambruschini [1], Murat

  1. Dans une lettre que le comte de Mosbourg adresse à la Reine le 18 avril 1826, il dit : « J’ai été étonné de trouver mon nom inexactement cité dans le livre de Franceschetti, qui, m’ayant vu vingt fois avant de le faire imprimer, aurait bien pu me demander des éclaircissements. Selon le rapport d’une personne envoyée à Naples, en septembre 1815, M. Falconet aurait dit « que le comte de Mosbourg aurait tiré sur lui des lettres de change et qu’il aimait à croire que cette opération de la part de ce ministre était l’effet de son zèle pour sauver les fonds de son maitre. » M Falconet n’a jamais pu faire une pareille déclaration, car, depuis mon départ de Naples, je n’ai tiré aucune lettre de change sur lui, à quelque époque que ce soit, et je ne pouvais pas avoir à sauver les fonds du Roi chez lui, car je n’ai jamais eu connaissance quo le Roi en eût dans les mains de ce banquier. » On est parti de là pour contester la déclaration de Lambruschini : je dois dire que l’original est entre mes mains, et que l’authenticité n’en parait pas douteuse.