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celui-ci, à propos de Murat, un duel où il ne peut manquer de succomber, car il a contre lui toute la Cour et tous les adorateurs du soleil levant, mais où il déploie pour le salut d’un ancien ami, toutes ses ressources et tous ses moyens.

C’est sous l’inspiration de Fouché qu’agit Joliclerc ; c’est Fouché qui ordonne la mise en liberté de Bonafous ; c’est Fouché qui, sur le bruit que Murat s’est réfugié dans les environs de Nantua, écrit au préfet, l’invitant « à employer des moyens sûrs et discrets pour découvrir si réellement ce prince fugitif a choisi ce lieu pour sa retraite » et qui ajoute de sa main : « Si l’ex-roi de Naples est dans votre département, vous lui donnerez un passeport pour l’Autriche. » C’est lui enfin qui prépare, et qui offre à Murat les moyens d’assurer son salut. Dès qu’il a reçu, le 26 août, la lettre que Murat lui a écrite vers le 10, juste après l’échec de la tentative d’embarquement, il lui écrit : « Je m’empresse de vous envoyer les fonds nécessaires et un passeport du prince Metternich pour que vous puissiez vous rendre en Autriche où votre famille est déjà établie. Je vous invite à quitter promptement la France, et à prendre la route de Trieste. Je ne puis vous donner d’autres conseils aujourd’hui que celui d’une résignation complète à votre position. Le malheur a souvent des résultats heureux. Vous trouverez dans une vie privée le repos dont vous ne pouviez jouir sur le trône… Croyez-en celui qui connaît les illusions humaines, et qui ne cessera de prendre intérêt à vous, quels que soient votre destinée et votre éloignement. »

Si Fouché n’a point influé sur la mise à l’ordre du jour de la Conférence à Quatre, — la conférence des ambassadeurs des quatre cours qui décide souverainement des choses en France, — du moins a-t-il dû applaudir aux mesures prises le 27, pour régler le sort de Murat : « À l’égard de Murat et de sa famille, le gouvernement autrichien a fait connaître qu’il leur donnerait asile sous la condition convenue. » Par suite, lorsque Macirone, sur l’arrivée de San Giuliano apportant la nouvelle, — d’ailleurs fausse, — de l’embarquement de Murat pour le Havre, tenta de nouveau d’obtenir pour le Roi un asile en Angleterre, ses démarches ne pouvaient produire aucun effet. L’arrêt était rendu : la Sainte-Alliance avait prononcé. C’était l’internement en Autriche, ou la mise au ban de l’Europe. Il ne s’agissait plus pour Fouché, comme pour Macirone, et pour