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légions provinciales se réunissent ! Que l’armée se réorganise ! Que la brave et fidèle garde de sûreté de ma bonne ville de Naples sauve une autre fois ma capitale… »

Et durant des pages, il continue, invoquant, l’une après l’autre, chacune des provinces, annonçant qu’il est l’allié de l’Autriche, l’allié de l’Angleterre, exposant longuement ses négociations et sa dernière campagne. Finalement, il annonce la paix au dehors, la régularité au dedans ; il rétablit dans leurs emplois, leurs donations, leurs fonctions, tous ceux qui en ont été privés. « En un mot, dit-il en terminant, que tout rentre dans l’état tel qu’il était quand j’ai quitté mon royaume. »

Cette proclamation est révélatrice des idées qui obsédaient Murat, général et roi : le paladin ne pouvait supporter une injure qui, sans doute, laissait parfaitement calmes aussi bien « les braves et fidèles Calabrais » que » les généreux Sammites. » Le madré Cadurcien niait qu’il eût attaqué l’Autriche ; il se raccrochait à l’Angleterre qui, trompée peut-être au début par la manœuvre de M. de Blacas, avait ensuite consciemment achevé sa ruine ; il se perdait en déclamations, il racontait des histoires qui n’intéressaient que lui-même. Pas un mot qui portât, pas un qui pût émouvoir, intéresser, passionner. Et le décret qui accompagnait la proclamation était aussi mou et aussi vide : sauf qu’il annonçait, pour le 1er janvier 1816, la mise en vigueur de la Constitution octroyée le 20 juin 1808, par Joseph, comme un présent d’adieux à ses anciens sujets et à son successeur ; sauf qu’il tirait de l’ombre où il la gardait jalousement depuis huit années, cette enfant dont il avait vu sans joie la naissance, il restaurait purement et simplement son autorité, telle qu’elle était six mois auparavant. Il ajoutait pourtant dans un article 19 : « Tous nos sujets, tous ceux qui sont vrais Napolitains, les vrais amis du Roi, sont autorisés à se décorer de la médaille d’honneur[1], la couleur amarante étant déclarée couleur nationale. Les dames napolitaines et celles

  1. Il s’agit d’une médaille d’honneur instituée par décret du 1er novembre 1814 « destinée particulièrement à récompenser les services distingués rendus par le garde de Sécurité intérieure, dans diverses circonstances extraordinaires, où se trouvait le royaume. » Cette décoration consistait en une médaille portant d’un côté le portrait du Roi, de l’autre, la devise : Onore e Fedelta, posée sur deux drapeaux croisés, entourée d’une couronne de lauriers, et surmontée de la couronne royale. Voir Ruo, Saggio Sforico degli ordini cavallereschi istituiti nel regno delle Due Sicilie. Napoli 1832, in-8, pl. 15.