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du Royaume, sont invitées à se décorer de cette couleur. » Ce dernier article achève l’idée qu’il faut prendre de Murat. Il invite les dames à prendre ses couleurs : assurément c’était, à l’inverse, d’ordinaire, les dames qui donnaient leurs couleurs aux chevaliers ; mais point pour Murat. En 1806, quand il fut investi de son grand-duché, au-dessus des armoiries de Berg et Clèves, accommodées de l’Aigle d’Empire, de la double ancre de grand-amiral, des bâtons de maréchal, du collier de la Légion d’honneur, posées sur le manteau ducal, et sommées du bonnet d’électeur, il fit voler sur une banderole ce cri de guerre : Dieu, la Gloire et les Dames, et tel il reste jusqu’à son dernier jour se plaisant ainsi à ce suprême hommage aux « Dames Napolitaines. »

Après ce salut de l’épée qui ne manque pas d’une grâce romantique, après la confection du drapeau napolitain, qu’il comptait emporter dans son expédition[1], comment eût-il reculé ? Il ne pouvait point se résigner à mener en Autriche, entre sa femme et ses enfants une existence bourgeoise. Il voulait vivre ou mourir roi. « La guerre par lui faite à l’Autriche et à l’Angleterre qui l’avait forcé de se réfugier en Corse, ne l’avait pas dépouillé de son titre de roi, reconnu par toute l’Europe ; les rois qui font la guerre pour un territoire, ne mettent pas en question leurs titres respectifs aux couronnes qu’ils ont portées, et ne cessent pas de se considérer comme sacrés ; quand il arrive que, par le sort de la guerre, un roi est chassé de sa capitale, il a le droit d’y retourner, s’il en a les moyens ; enfin il n’avait pas abdiqué. »

Et c’est la même illusion qui a perdu Napoléon, comme elle perdra Murat, de croire que, parce qu’ils ont porté le titre d’empereur ou de roi, ils ont été admis dans la ligne des souverains.

  1. Murat emporta d’Ajaccio un drapeau d’étoffe de soie, dite foulard, sans emblèmes, sans armoiries et qui, plutôt qu’à un drapeau, pouvait être assimilé à un mouchoir de grandes dimensions, mesurant approximativement 2 mètres sur 1 m. 50. Le fond était d’une couleur céleste (azur), légèrement lavée, avec à l’entour une bordure faite de carreaux alternas de couleur rouge et azur. Ce drapeau fut solennellement suspendu dans la chapelle royale du Pizzo, le 3 octobre 1816, et disparut en 1860, où on l’avait enlevé à l’approche des Garibaldiens. Cf. Murat al Pizzo, p. 196. Voir aussi Gioacchino Mural in Italia. Doc XXIII et Doc. XXXI Par le livre intitulé Trophées (1812-1813-1814) publié à Saint-Pétersbourg en 1909, on voit que l’armée de Joachim Napoléon avait des drapeaux d’au moins deux couleurs. Les uns, amarante avec bordure quadrillée blanc et rouge , les autres, azur, avec la même bordure. Je n’en ai point vu avec le quadrillé bleu et blanc.