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Malgré sa triple élection par le peuple, son sacre par le Souverain Pontife, son mariage avec une archiduchesse. Napoléon n’a jamais été considéré par les souverains comme un des leurs, et combien moins Murat qui ne fut ni élu, ni sacré, ni marié à une princesse ! Mais il suffit qu’il croie fermement à sa légitimité pour qu’il prétende reconquérir son trône, et qu’il ne considère ni la disproportion des forces, ni la présence des Autrichiens, ni l’absence de préparation, ni le vide de sa caisse... et puis, il y eut Napoléon et le retour de l’Ile d’Elbe. Où Napoléon a réussi. Murat doit réussir.

A la lettre que Macirone lui a écrite, et qu’il lui remet en personne, le Roi répond par deux lettres. Dans l’une, ostensible et écrite pour dépister les espions qu’on lui a signalés, il accepte le passeport autrichien et déclare qu’il compte s’en servir pour se rendre à la destination qui lui est fixée se réservant, à l’époque où il sera réuni à sa famille, de traiter des conditions que S. M. I. et R. impose à l’offre d’un asile en Autriche ; il décline en même temps l’offre que lui a faite le commandant Bastard de le recevoir à son bord, « vu la sommation peu mesurée qui lui a été adressée par ce capitaine de frégate, » et il annonce vouloir se rendre à sa destination par ses propres moyens.

L’autre lettre, qui demeurera secrète jusqu’à ce qu’il ait gagné la haute mer, est un manifeste politique adressé à « M. Macirone, envoyé des Puissances alliées auprès du roi Joachim. » Il y résume ses malheurs ; il y accuse, — injustement, — le marquis de Rivière. Il repousse les propositions des Alliés. « Je n’accepte point, dit-il, les conditions que vous êtes chargé de m’offrir. Je n’y vois qu’une abdication pure et simple, sous la seule condition qu’on me permettra de vivre, mais dans une éternelle captivité, soumis à l’action arbitraire des lois sous un gouvernement despotique. Où est ici la modération ? la justice ? Y voit-on les égards dus à un monarque malheureux qui a été formellement reconnu par toute l’Europe, et qui, dans un moment bien critique, a décidé la campagne de 1814 en faveur de ces mêmes puissances qui, maintenant contre leurs propres intérêts, l’accablent du poids exclusif de leurs persécutions ! »

Et il reprend, à sa façon, l’histoire de la campagne de 1815, il expose les causes de la défaite de « sa belle armée ; » « il