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n’existe point à cette heure, dit-il, un individu de cette armée qui n’ait reconnu son erreur, je pars pour les rejoindre, ils brûlent du désir de me voir à leur tête. Ils m’ont conservé toute leur affection, de même que chaque classe de mes bien-aimés sujets. Je n’ai point abdiqué, j’ai le droit de reprendre mon royaume, si Dieu m’en donne la force et les moyens. »

Et il termine par ces paroles qu’il adresse à Macirone : « Vous ne sauriez mettre aucun obstacle à mon départ, quand même vous en auriez envie. Lorsqu’on vous remettra cette lettre, j’aurai déjà fait bon chemin vers ma destination. Ou je réussirai, ou je terminerai mes malheurs avec ma vie. J’ai bravé mille et mille fois la mort en combattant pour ma patrie, ne me serait-il pas permis de la braver une fois de plus pour moi-même [1] ! »

Nul n’a, en réalité, l’intention de le retenir. Macirone a eu soin de lui faire souscrire à son profit une lettre de change de quarante mille francs, qu’il a pris la peine de libeller de sa main, pour être assuré de n’omettre aucune formalité [2]. Nul ne s’inquiète des deux cents hommes qui passent par les rues muettes. Le commandant de la citadelle Cauro, qui a endossé les effets souscrits par le Roi au nom du commandant Poli, souhaite fort que le Roi évacue la ville, et il se garderait bien

  1. Macirone raconte : « Il (Murat) me dit qu’il n’avait que peu d’or sur lui, mais qu’il me ferait un billet. En effet, il me remit une traite de quarante mille francs, payable chez M. Barillon, banquier à Paris. Il écrivit une lettre d’avis et signa le tout en ma présence. » (Faits intéressants, p. 81, et Mémoires, II, 309.) Nulle part, je ne trouve d’indications relatives à trois lettres de change de vingt mille francs chacune, émises à Londres, le 2 juin 1817, à huit mois de date, sur Mme la comtesse de Lipona, Frohsdorf, en Autriche, suivant l’avis de son très humble et très dévoué serviteur, François Macirone, acceptées par la Reine (sur chacune, « acceptée pour la somme de vingt mille francs, comtesse de Lipona et dûment acquittées Ces trois lettres forment, avec celle de quarante mille francs, une somme globale de cent mille francs, qu’on retrouve dans le compte de tutelle des enfants Murat. Au cas où la lecture des Faits intéressants laisserait des doutes sur la valeur morale de Macirone, celle des Mémoires les dissiperait entièrement, car elle révèle un chevalier d’industrie cosmopolite, un faiseur d’affaires dont il est fâcheux que les Souvenirs n’aient pas été traduits en français et davantage répandus.
  2. Ajaccio, 28 septembre 1815. FCS. 40 000.
    A dix jours de vue, payé cette première de change, la seconde et la troisième ne l’étant pas, à l’ordre de M. François Macirone, la somme de quarant (sic) mille francs, monnaie de France, valeur reçue selon l’avis de
    Bon pour quarante mille francs,
    J. NAPOLÉON.
    A Monsieur Barillon, à Paris.