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que le Roi évacue la ville, et il se garderait bien de tirer autrement qu’à la poudre sur la flottille qui va mettre à la voile cette nuit même.

Cette flottille, composée de cinq bâtiments légers qu’on appelait en Corse gondoles [1] et d’une felouque, portait deux cent quatre-vingt-dix-huit hommes ; la felouque, destinée en cas de malheur « à donner le change à l’ennemi, » n’embarquait que son équipage de vingt-deux hommes, commandées par le patron Cecconi ; sur un des bateaux, le Roi, vingt-quatre militaires, quatre domestiques, cinq hommes d’équipage sous le baron Barbara, commandant la flottille ; sur chacun des quatre autres, cinq marins, une quarantaine de soldats, cinq à six officiers. Une des barques était commandée par le chef de bataillon Courraud, les autres par le capitaine Ettore, le capitaine Mattei, le capitaine Semidei ; l’état-major se composait uniquement du général Franceschetti, du maréchal de camp Natali et du commissaire des guerres Galvani. On avait compté sur le général Ottavi ; mais, après un entretien avec Ignace Carabelli, il disparut Beaucoup d’autres, comme le commandant Poli, comme Blancard, Anglade et Donnadieu, compagnons de la première heure, avaient refusé de suivre Murat, et s’étaient efforcés de le détourner d’une entreprise dont ils avaient jugé la folie. Parmi ceux qui l’accompagnaient, il n’en était guère auquel il eût inspiré confiance, et Natali, qui semble un brave homme, n’avait pas même emporté d’uniforme.


On mit à la voile le 28, entre onze heures et minuit, et la citadelle salua le départ de la flottille d’un coup de canon inoffensif. Au jour, la flottille était devant l’Asinara, à l’entrée du canal, et, le vent étant devenu subitement contraire, on débarqua dans l’île. Barbara proposa de s’emparer d’un navire espagnol, qui semblait vouloir se mettre à l’abri de la côte, mais qui, à la vue des barques, vira de bord, et se dirigea vers la Madalena. Le vent étant devenu meilleur, on reprit route, en convenant de l’îlot de Tavotara comme point de ralliement. Le gros temps obligea de se réfugier dans une anse de la Sardaigne, en face de la Madalena, et d’y passer la nuit,

  1. C’étaient des barques pontées de 15 à 20 tonneaux de jauge, munies d’un seul mât et d’une voile latine.