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insurge les Italiens et n’a pas de fusils à leur donner. Il refuse comme un sot l’asile que lui offre Metternich, et où, comme comte de Lipona, il aurait pu vivre très heureux. — Sire, lui objecta quelqu’un, on dit qu’il a voulu mourir en soldat. — Bah ! reprit-il, il aurait mieux fait de vivre avec sa femme et ses enfants, et puis qui sait ce qui peut arriver ? Il a, au lieu de cela, fait la plus grande folie que l’on puisse commettre. Il a compromis deux cents Corses, braves gens, j’en suis sûr, et presque tous mes parents. Il a voulu, avec deux cents hommes, reprendre un royaume qu’il avait perdu à la tête de quatre-vingt mille. Il avait voulu débarquer à Salerne, eh bien ! il aurait été fusiller à Salerne. Il y avait huit mille Autrichiens à Naples. S’il y avait eu vingt mille Anglais à Paris lorsque je quittai l’ile d’Elbe, je n’aurais pas réussi. Soyez sûr qu’il n’a pas osé continuer sur Monteleone, et qu’il voulait s’en retourner quand il a été attaqué. »

Et ce n’étaient pas deux cents hommes, mais vingt-sept que Murat avait à sa suite. Aussi n’était-ce pas ici une expédition militaire, mais un suicide. Et peut-être, à trouver ainsi une mort qui serait la délivrance, en tentant l’exploit d’un paladin légendaire, ce soldat sans peur avait-il placé son espoir suprême d’héroïsme ?


FREDERIC MASSON.