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Que leurs nobles sommets, que leurs rochers jaloux
Deviennent à nos cœurs, remplis de vos souffrances,.
L’éternel monument qui nous parle de vous !
Et quand nous gravirons les pentes familières
Où se devine encor la trace de vos pas ;
Quand nous aurons atteint l’ineffable lumière
Que sur les blancs névés vous ne reverrez pas ;
Quand nous respirerons cet air qu’en vos poitrines
Pour combattre en héros vous aviez enfermé ;
Quand nous contemplerons, au soleil qui décline,
Ces prés, ces champs, ces bois que vous avez aimés...
Alors, interrogeant dans la splendeur des cimes
Vos mânes glorieux, attentifs et présents,
Ah ! puissions-nous sentir, morts obscurs et sublimes,
Revivre et battre en nous vos cœurs de paysans !... [1]


Nous retraversons le parc pour monter au Plémont. Le plateau est tapissé de fleurs, violettes, pensées sauvages, anémones. Le commandant de Surian en est toujours le gouverneur, avec son fameux 2e bataillon du 159e régiment. Ce terrible homme semble sortir d’un salon qu’il aurait tenu sous le charme : grand, blond, élégant, rasé de frais, il est plein de gaieté, de jeunesse, de grâce ; quand on l’a vu, on donne tout son prix à cette phrase de son rapport qu’il a dû se divertir fort à écrire en pleine bataille après avoir réoccupé le plateau et replongé l’ennemi sur les pentes : « Nous avons d’excellentes vues. Le Boche n’en a aucune. Nous sommes au-dessus de lui. Il a vraiment le dessous. » Il fait visiter son domaine en passionné propriétaire terrien. Le tour n’est point de tout repos, car on est guetté par les observatoires allemands de Porquericourt et de temps à autre arrosé, mais les aventures qu’il conte ne permettent de s’en rendre compte que plus tard.

— Donner des noms, conclut-il après tant de faits miraculeux, c’est impossible. Il y en a trop. Je citerai cependant la fin héroïque du petit soldat Moret de la 5e compagnie. Nous l’avons retrouvé dans la tranchée qu’il a défendue jusqu’à la mort. Devant lui deux tombes boches montraient qu’il avait âprement combattu. Et ses camarades l’ont vu entouré, et alors que les Allemands lui criaient : « Rends-toi ! » leur répondre à coups

  1. Louis-Joseph Grandperret.