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réalisa séance tenante. Une loi était nécessaire pour étendre aux besoins généraux du ravitaillement la faculté de réquisition prévue par la loi de 1877 pour les seuls besoins militaires. Cette loi fut votée le 10 février 1918. L’article Ier spécifiait qu’il pourrait « être procédé par décret à la réquisition de la totalité de la flotte marchande. » Le décret en question fut rendu le 15 février 1918.

De ce fait, toute la flotte marchande et son personnel passaient à la disposition du Commissaire aux Transports. L’Etat ne devenait pas propriétaire des navires, mais il en était désormais l’usufruitier. Les armateurs se trouvaient dépouillés de leurs droits, ils cessaient d’être les maîtres de leurs bâtiments. Pour leur permettre d’éviter une dépossession complète, le gouvernement leur offrait de signer une charte-partie, arrêtée le 15 mai 1918, et selon laquelle ils restaient, sous les ordres et pour le compte de l’Etat, gérants de leurs propres navires. La plupart des armateurs signèrent cette charte-partie, dont ils avaient, il est vrai, débattu les clauses, mais qui ne leur en était pas moins imposée « le couteau sur la gorge. »

Tout ce que vote le législateur dans des conditions constitutionnelles est légal. La légalité de la réquisition générale de la flotte marchande ne fait donc pas de doute. Mais elle est en contradiction avec le respect du droit de propriété, et avec nos principes de liberté commerciale. Si encore elle eût été nécessaire au salut du pays, ou même seulement utile aux intérêts de la défense nationale ! Mais, à notre avis, il n’était point indispensable d’y recourir pour les desseins qu’on se proposait. Un système moins absolu eût abouti au même but sans entraîner les inconvénients et les risques de la charte-partie. Celle-ci a été l’objet d’assez vives attaques au Parlement. La commission de la marine marchande a critiqué l’esprit dans lequel elle avait été appliquée. Mais aucune lumière n’a jailli des débats confus qui se sont déroulés dans l’enceinte du Palais-Bourbon les 21 et 26 novembre,


LA RÉQUISITION

Qu’il fût impossible de conserver intact, durant les hostilités, le principe de la liberté de navigation, cela n’est pas en question. En temps de paix, le tonnage flottant était proportionné