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aux besoins des transports. Pendant la guerre, ces besoins ont augmenté d’une façon gigantesque, tandis qu’au contraire, le tonnage diminuait sensiblement. On estime à 12 800 000 tonnes, soit le tiers du shipping neutre et allié, les pertes dues à l’action des sous-marins. En outre, certaines nations ont cessé de construire, comme la France. Quant à l’Angleterre, sa production a été très inférieure de 1914 à 1917 à ce qu’elle était autrefois. Le devoir du gouvernement était de remédier à cette crise. Celle-ci risquait d’entraîner de graves inconvénients. En premier lieu, on pouvait craindre qu’en laissant agir la loi de la concurrence, les bâtiments ne transportassent des marchandises de luxe au détriment de celles qui étaient indispensables au pays, puisque les premières payent un fret plus élevé que les secondes. Ces mêmes bâtiments risquaient d’accomplir des voyages d’une urgence moins absolue que d’autres. Enfin, comme il y avait une rupture d’équilibre complète entre l’offre et la demande, les taux d’affrètement devaient fatalement augmenter dans des proportions préjudiciables au public. L’Etat devait donc se tracer le programme suivant : accélérer la rotation des navires, imposer au besoin l’itinéraire du voyage, dicter un ordre de priorité pour les chargements, taxer le fret. Examinons tous ces points et demandons-nous si la réquisition générale y a apporté les améliorations souhaitées.

Et d’abord en ce qui concerne la « rotation des navires. »

La bonne utilisation du tonnage d’un navire dépend de plusieurs circonstances. Avant tout, il ne doit pas prolonger son indisponibilité pour réparation, désarmement, etc., il doit charger ses soutes à plein rendement, enfin, accélérer ce qu’on a appelé sa rotation, c’est-à-dire son parcours en mer, et ses opérations d’amarrage, chargement, débarquement et appareillage dans le port. On a prétendu que les armateurs avaient eu dans certains cas intérêt à ne pas faire naviguer leurs navires pour les soustraire aux dangers de la guerre sous-marine. Si ce faux calcul a pu germer dans le cerveau de quelques armateurs, le fait est tellement exceptionnel qu’il ne mérite pas qu’on le prenne en .sérieuse considération. En réalité, les compagnies de navigation avaient le plus grand désir de faire naviguer intensivement leurs bateaux, et même d’accroître leur shipping, ainsi qu’ils n’ont point manqué de le faire, chaque fois qu’ils en ont eu l’occasion. S’il s’est