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DANS LES PAYS ETRANGERS

L’exemple des autres nations sur lesquelles on a paru se fonder est contraire à la politique de mainmise du gouvernement français sur les navires telle que celui-ci l’a pratiquée.

Rien en effet dans la législation étrangère ne ressemble à la réquisition française. L’Italie n’a réquisitionné que la faculté de transport, l’Amérique s’est bornée à l’affrètement obligatoire. Quant à l’Angleterre qu’on nous a citée comme modèle, elle n’a réquisitionné qu’une partie de sa flotte (40 pour 100 environ d’après M. Bergeon), étendant son contrôle des bénéfices sur 50 pour 100 et laissant en navigation libre 40 pour 100 de cette même flotte. Tous ces régimes ont permis de maintenir à la vie commerciale son courant d’affaires avec ou sans prélèvement de bénéfices au profit du fisc. En France au contraire, la mainmise de l’État sur la flotte est intégrale et absolue. Or, ce système est celui du moindre rendement : « C’est une vérité reconnue des deux côtés de la Manche, a dit M. Bergeon, que les navires dirigés par l’Etat ont un rendement déplorable. Bornons-nous à dire que d’une étude faite au Comité des transports maritimes, il résultait que les charbonniers réquisitionnés avaient un rendement inférieur de 40 à 50 pour 100 à celui des navires dirigés par les importateurs de charbons. »

Une dernière remarque : chez toutes les nations alliées, l’intervention de l’État dans les affaires de l’armement s’est faite par voie d’entente cordiale avec les propriétaires des navires. En France, on constate que la flotte a été prise par le Commissariat des Transports sous une forme comminatoire. On a tenu aux armateurs un langage qu’il ne convenait point d’employer avec ceux dont on demandait la collaboration et auquel le regretté M. J.-Ch. Roux a fait une réponse des plus dignes.

Cette façon d’exciter le pays contre les armateurs et de troubler leurs relations avec les équipages dont on opposait le patriotisme désintéressé à l’esprit d’enchérissement des patrons est nouvelle dans les annales de la guerre. Tous les hommages qu’on a pu adresser aux inscrits maritimes sont au-dessous de ce qu’ils méritent. Chaque fois que j’en ai eu l’occasion, je me suis fait le modeste avocat de leur courage et de leur abnégation. Mais était-il bien nécessaire, pour les glorifier,