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Dans notre protection, trois degrés se distinguent. Nous sommes les protecteurs officiels des Lieux-Saints de l’église latine, de ses établissements, de son culte, de son clergé, en vertu d’engagements formels pris à Rome et à Constantinople. Ici nos obligations et nos droits sont absolus. — Nous exerçons un patronage officieux sur les Maronites et les nations qui se sont formées autour d’églises de rite oriental unies à l’église catholique : Grecs-melchites, Arméniens-unis, Syriens-unis. — Et enfin, dans la mesure où nous l’avons pu sans danger pour la cause même que nous avions à cœur de servir, nous avons étendu cette protection bénévole sur tous les autres chrétiens, disons mieux, sur tous les autres opprimés d’Orient.

Sur les points de cet ensemble où notre action protectrice n’a pas eu pour base un engagement diplomatique positif, l’attitude de la Porte a singulièrement varié. Pour nous, accommodant à ces variations mêmes le service de notre constant idéal, nous avons indéfiniment prescrit à notre ambassadeur à Constantinople sous des formes renouvelées, ce que prescrivaient en 1639, au Sieur de La Haye Ventelaye, des instructions pleines de l’esprit de Richelieu : de protéger et d’assister les chrétiens du Levant partout où il jugerait le pouvoir faire utilement pour leur bien et soulagement.


Leur bien et soulagement, l’histoire impartiale devra nous rendre ce témoignage que la France, des siècles durant, y a travaillé d’un cœur sincère. Pour-aucune communauté du Levant, notre protection n’est jamais devenue une chaîne ; pour aucun Etat, une menace. Quand se furent modifiées les circonstances qui, aux XVIe et XVIIe siècles, avaient si bien favorisé les débuts de notre régime de protection ; que des Puissances plus tard venues dans le Levant y devinrent nos émules et y cherchèrent des clients ; que la Russie, à partir de 1720, commença de revendiquer la protection des Grecs-orthodoxes ; que la Turquie elle-même, introduite dans les conseils du monde occidental, apprit à nous en opposer les principes sans pour cela s’en inspirer, on nous vit, soucieux avant tout de la paix religieuse et de la concorde internationale, devenir plus réserves notamment dans notre assistance aux communautés