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schismatiques ; on nous vit aussi nous prêter à ce que des questions devinssent internationales que la tradition avait faites françaises. Si honorables que fussent les causes de ce mouvement de recul, notre situation en eût souffert, si un magnifique élan de bienfaisance désintéressée, venu du cœur même de la nation, n’eût suppléé aux insuffisances de notre politique et porté dans tout le Levant la situation morale de la France à un niveau où la diplomatie la plus habile eût été impuissante à l’élever.


Tout voyageur qui a parcouru l’Orient, la Turquie d’Asie ou d’Europe, s’est étonné du développement extraordinaire qu’y ont pris, depuis le milieu du dernier siècle, nos établissements de bienfaisance et d’instruction, hôpitaux, orphelinats, dispensaires, voisinant avec des écoles de tout degré, depuis des Facultés actives et prospères de médecine, de droit, d’archéologie, jusqu’à d’humbles écoles de village.

J’ai vu moi-même, il y a quelque vingt-cinq ans, en Egypte et en Syrie, l’épanouissement de ces œuvres qui font tant d’honneur « à la générosité du génie français. Pour toute la région syrienne, j’ai eu, durant plusieurs années, à témoigner auprès de notre ambassade et de notre ministère des Affaires étrangères de leurs efforts, de leurs besoins et de leur succès. Je suis heureux d’être amené à renouveler ici, à cette heure, le témoignage que je leur rendais alors. Il peut se résumer en peu du mots. Avec des ressources financières très inférieures à celles de leurs émules d’autres nations, nos religieux, nos religieuses avaient obtenu beaucoup plus. Ils avaient gagné à l’enseignement de la France l’âme impressionnable de la Syrie, non celles en flattant ses faiblesses, mais en l’initiant au contraire aux exigences d’un idéal moral plus élevé. Ils avaient répandu l’usage de la langue française, et par suite l’esprit français, dans toute l’élite du pays. C’était bien leur œuvre et leur œuvre récente : beaucoup de vieillards, en ce temps-là, parlaient d’autres langues latines ; toute la jeunesse parlait français, pensait français. Surtout, ces maîtres ont su graver dans les cœurs l’image maternelle de la France. Quand, pour grossir de son mieux les faibles allocations de notre gouvernement, le consul de France organisait quelque fête de charité, le Liban