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III. — LA QUESTION DE SYRIE

On sait si nous étions loin de souhaiter la dislocation de l’Empire turc. C’est par une politique d’amitié, entremêlée de bons offices et des sévérités nécessaires, que nous nous étions appliques à prendre sur lui de l’influence et à en faire profiter les peuples soumis à son pouvoir. Nous tâchions de lui faire comprendre qu’en les dotant de quelque autonomie, tout au moins d’une administration plus juste et plus honnête, il se consoliderait lui-même. Nous nous flattions de travailler ainsi et au maintien de la paix générale et au bien propre de ces peuples ; car, de les pousser en d’autres voies eût été peu sage Si tous avaient besoin de garanties sérieuses, plusieurs ne s’étant jamais gouvernés eux-mêmes, avaient encore à prouver qu’ils en eussent la volonté et les moyens. Ce n’est donc pas en vue de sa mort que nous avions conçu et organisé toute notre action chez » l’homme malade ; » c’est en vue de sa vie indéfiniment prolongée et devenue enfin inoffensive. Cette action, notre histoire et notre génie lui avaient donné partout mêmes formes et même esprit : protection étendue sur les minorités religieuses, assistance publique, enseignement pratique, initiation à des mœurs plus libérales. Le caractère de cette sorte de ministère moral et sa diffusion dans tout l’empire mettaient en pleine évidence le désintéressement de nos vues.

Notre politique d’amitié avait pénétré si avant dans nos habitudes d’esprit qu’à la veille même de l’entrée de la Turquie dans la grande guerre, notre diplomatie ne pouvait pas y croire. L’invraisemblable folie fut pourtant commise. L’impérialisme turc, séduit par l’impérialisme allemand, qui, lui, n’avait rien trouvé à redire à des opérations de police où périssaient des populations entières, se lança dans la guerre contre les puissances de l’Entente. Il se lançait du même coup dans des persécutions nouvelles contre des peuples conquis dont il n’avait su être que le fléau.

Or, s’il n’est que vrai de dire que, sous toutes ses formes, notre action nationale s’était généralisée dans l’Empire ottoman, il est vrai aussi qu’une longue série d’événements, anciens et récents, lui avaient donné en Syrie une intensité particulière. Mission de la France aux Lieux-Saints, souvenirs