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prestigieux de la Syrie franque, patronage officieux, mais consacré par les siècles, de la France sur le peuple maronite, voilà pour les origines lointaines. De nos jours, les événements bien connus de 1860, les massacres du Liban et de Damas, provoqués sous main par l’autorité turque, le mouvement d’indignation qui, d’Occident, y avait répondu, l’envoi à Beyrouth et au Liban d’un corps expéditionnaire français avaient soulevé l’âme française d’un tel élan de sympathie qu’une multiplication sans exemple de nos œuvres d’assistance et d’enseignement s’en était suivie en Syrie. Puis, sur les traces de nos sœurs hospitalières, de nos éducateurs, de nos médecins, nos ingénieurs étaient venus, et nos industriels et nos agronomes. Malgré les conditions défavorables créées par les vices d’un gouvernement incapable de toute vue d’ensemble, les premiers avaient, en dotant Beyrouth de son port, en reliant par chemin de fer Beyrouth à Damas, à Homs, Hama et Alep, Homs à Tripoli, Jérusalem à Jaffa, construit l’essentiel du réseau qui fait communiquer les principales villes de Syrie entre elles et avec la mer. Les autres avaient créé usines à gaz, sociétés électriques, sociétés des eaux, filatures de soie, domaines agricoles... — La Syrie en était à cette période de fécondation par les initiatives les plus variées de l’énergie française quand la guerre fit tomber sur elle un voile de silence. A mesure qu’il se dissipe, une page abominable vient s’ajouter à l’histoire des plus grands forfaits que jamais gouvernement ait commis contre des peuples dont il avait assumé la conduite.

Des Français notables, chassés de Syrie par la guerre, exposent que, dès 1914, un Conseil de guerre réuni à Beyrouth sous la présidence d’un général allemand eut à statuer sur le sort du Liban. Il considéra que la population libanaise dans son ensemble était infidèle à la cause de l’Empire ottoman ; et elle l’était sans doute, comme la bergerie à la cause du loup. Mais la montagne était haute et abondait en retraites peu accessibles ; le travail du massacre y présentait bien des difficultés ! Il parut plus facile et peut-être plus efficace d’entourer le Liban d’un cordon de troupes qui l’empêchât de se ravitailler en grains dans la plaine de la Beka, comme il en a le besoin et la coutume. Ainsi fut fait. L’armée ottomane monta la garde à tous les débouchés de la montagne sur la plaine pour empêcher trois cent mille « sujets ottomans » de se nourrir. Les mêmes