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ancêtres et pour eux-mêmes. Il est pour ainsi dire inscrit sur la carie religieuse de la montagne par la multiplicité des communautés, les unes chrétiennes, les autres dissidentes de l’Islam, Druzes, Ansariès, Metoualis, qui sont venues, devant les menaces de la plaine, se grouper sur les hauteurs du Liban comme des races animales plus ou moins hostiles, fuyant une inondation, se groupent sur des lieux hauts, réconciliées par le danger commun. Le même rôle bienfaisant, en dépit du blocus turc, le Liban s’en est acquitté au cours de la guerre. Jusque dans les tourments de la famine, ses habitants lui ont dû quelque indépendance : on sait que le patriarche maronite, convoqué par les Turcs à Damas, s’est refusé impunément à cette comparution d’où il n’aurait pu revenir, si jamais il en était revenu, que moralement réduit à rien. Montagne véritablement sacrée, de quel cœur doivent-ils l’aimer, tous les opprimés de la région syrienne, s’ils se rappellent que, tant de fois, elle les a aidés à sauver le respect de leurs autels et de leurs foyers, le droit de porter haut la tête !

Quant aux musulmans de Syrie, formant la majorité religieuse, ce n’est pas de persécutions religieuses que la déroule des Turcs les a délivrés. Mais c’est d’un mal auquel n’étaient insensibles ni leurs intérêts ni leur fierté : l’administration détestable qui, par la paresse et la concussion, tarissait toutes les sources de richesse ; surtout, la domination d’une race lourde d’esprit, étrangère à toute fine culture, incapable d’inspirer un autre sentiment que le dédain à ces musulmans syriens, héritiers lointains de la brillante civilisation du califat de Damas. Nul doute qu’eux aussi n’entendent bien être affranchis à jamais du dominateur ottoman. Les musulmans n’ont guère coutume d’aller au-devant de la destinée, prenne-t-elle une forme aussi imposante que la Conférence de la paix. La liberté de disposer d’eux-mêmes s’offre à ceux de Syrie. Qu’en voudront-ils faire ? C’est le secret d’un avenir prochain. Mais tout conduit à prévoir que les conseils de la France seront acceptés par eux avec une déférence empressée. A Damas, à Alep, à Jérusalem, à Beyrouth, ce nom de France évoque d’abord chez les musulmans l’idée du dispensaire actif et modeste où, aidant la guerre, quiconque souffrait était soigné ; l’idée du collège ou de la petite école où leurs enfants apprenaient un savoir utile. Le même nom leur rappelle leurs coreligionnaires