Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Algérie que la puissante protection du consul français soustrait efficacement l’arbitraire des autorités turques. Et les plus instruits, à Damas, se rappelleront cet émir Abd-el-Kader qui, grand musulman et Français loyal, en sauvant quelques milliers de chrétiens du massacre de 1860, semble avoir annoncé à la Syrie l’approche de temps nouveaux


Dans les vœux des comités libanais, outre le principe de l’indépendance de la Syrie sous l’égide de la France, deux mots reviennent avec persistance : Syrie fédérative, Syrie intégrale.

Syrie fédérative, l’idée parait répondre à un sentiment juste des difficultés si particulières que présente le problème syrien. Entre les populations de la région libanaise, d’Alep, de Damas, de Jérusalem, la religion et l’histoire ont créé des conditions de vie trop différentes pour qu’on puisse tenter avec sagesse de fondre ces populations en un état unitaire. La géographie d’autre part, la nature a établi entre elles certains liens d’un intérêt trop vital pour que l’organisation politique à instituer n’en tienne pas compte et ne tende pas à les consolider. Si, aidée par la France, une Syrie indépendante a des chances de se constituer et de vivre, il semble bien que ce doive être, comme on le pense au Liban, sous la forme d’une confédération.

Syrie intégrale, le mot manifeste une inquiétude. Elle est née, chez les amis de la Syrie, de la publication faite par les Bolcheviks d’une note qui serait un résumé d’un accord conclu en 1916 entre la France et l’Angleterre et agréé par la Russie. La bande littorale de la Syrie, y compris le vilayet d’Adana, serait attribuée à l’action de la France, sauf la partie méridionale, comprenant Caïffa et Saint-Jean d’Acre, qui le serait à l’action de l’Angleterre. Entre cette Syrie littorale française, et la Mésopotamie méridionale, devenue anglaise avec Bagdad, la zone intérieure de la Syrie, celle de Damas, d’Alep et d’Orfa, reconnue d’ailleurs comme zone d’influence française, appartiendrait à une confédération des États d’Arabie ou à un État d’Arabie, l’Arabie du Hedjaz. La Palestine et les Lieux-Saints seraient soumis à un régime spécial dont on conviendrait ultérieurement.

En somme, l’intégrité de la Syrie subirait une double