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atteinte. — D’une part, les provinces de l’intérieur, où les musulmans sont en majorité, appartiendraient à un Etat ou Confédération d’États dont la capitale serait au Hedjaz ; Damas et Alep relèveraient de La Mecque par un lien non pas religieux seulement, mais politique. Il est permis de voir dans ce projet une conception plus spécieuse que sage. S’il est un don que le ciel ait refusé à ce monde de l’Arabie, si digne à tant d’égards d’admiration et de sympathie, c’est bien celui de l’organisation politique. Toute son histoire en témoigne. Le musulman de Damas ou d’Alep a d’ailleurs avec la côte syrienne des liens étroits d’intérêt qu’il n’a point avec le Hedjaz. Convient-il, contrairement au sentiment syrien, de sacrifier l’unité syrienne, qui est au moins une réalité géographique, à la chimère de l’unité arabe ?

D’autre part, la Syrie perdrait Caïffa au profit de l’empire des Indes. Défions-nous des principes absolus. Il y a, certes, un impérialisme bienfaisant. Au moment où la loyauté des dominions et leur large participation à la guerre pour la liberté des peuples ont justifié avec tant d’éclat devant l’humanité l’œuvre coloniale de l’Angleterre, on répugnerait à venir chicaner l’empire des Indes, au nom de l’unité syrienne, sur le besoin qu’il éprouve de s’ouvrir un accès supplémentaire à la Méditerranée. C’est toutefois entreprendre sous de fâcheux auspices l’initiation d’un peuple à la vie nationale que de rompre d’abord son unité territoriale en mettant la main sur un de ses ports principaux. Et l’on veut voir dans la générosité des principes sur lesquels la France et l’Angleterre se sont mises d’accord l’assurance qu’elles auront à cœur de trouver une solution conciliant les intérêts en),présence.


C’est aussi dans la haute loyauté du gouvernement britannique qu’on voit la meilleure garantie contre les dangers d’un état de fait amené en Syrie par la répartition des forces alliées. En principe, aucune question ne saurait se poser ici pour aucun esprit dirigeant. Dans une guerre soutenue pour la défense de tous les droits contre toutes les oppressions, la répartition des forces alliées entre les théâtres de la guerre n’a été, n’a pu être qu’une question militaire sans portée politique. La formule de l’unité de front n’aurait pas de sens si elle ne signifiait pas,