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chacun pour tous, tous pour chacun. Quand nous n’aurions pas eu un bataillon dans l’armée de Syrie, la France n’en eût pas été absente

Si notre drapeau n’y a été porté, parmi les corps d’une puissante armée britannique, que par un contingent de quelques milliers d’hommes, — qui n’a pas laissé, à Naplouse et ailleurs, d’écrire de belles pages militaires, — c’est que l’intérêt de la victoire commune nous commandait d’être le plus possible en forces sur la ligne de feu de France, où l’ennemi principal concentrait son effort principal, parce que le cœur même de l’Alliance battait là. Cette vérité qui doit avoir pour effet de nous réserver notre place intacte en Syrie, le Gouvernement britannique la sent comme peut la sentir le nôtre même. Il l’a dit avec sa loyauté coutumière. Et M. Clemenceau, saisi des inquiétudes du comité central syrien, a pu affirmer le » caractère absolument transitoire » de « l’état de choses imposé par les circonstances. » Transitoire, oui, « absolument, » dans la pensée et l’intention des deux gouvernements alliés. Mais une armée a besoin d’organiser le pays qu’elle occupe, quand elle le trouve à l’état inorganique ; et qui dit organisation, dit travail fait en vue de la durée. Ainsi naissent, loin des gouvernements, des situations de fait qui en viennent à démentir leurs déclarations les plus sincères. Consacrer de telles situations est moralement impossible. Les corriger est rendu bientôt difficile par l’ardeur des passions coloniales. Difficultés trop aisées à prévoir et qu’il importe de prévenir pendant qu’il en est temps !

Sous la réserve des droits du Congrès, — devant lequel M. Clemenceau a annoncé que la question de Syrie serait « traitée dans toute son ampleur, » — souhaitons donc que les deux gouvernements se préparent activement à procéder à l’opération de relève, — militaire et civile, — qui nous permettra de remplir envers la Syrie des devoirs qui nous incombent. Souhaitons, pour ce qui nous concerne, que notre gouvernement ne fasse pas attendre à son représentant en Syrie les ressources de tout ordre dont ce dernier lui aura signalé le besoin. Il ne s’agit, répétons-le, que d’une relève qui ne préjuge point les décisions du Congrès. Et l’on sent combien il serait déplorable que la prolongation de l’état de choses déclaré absolument transitoire fût imputable à nos propres retards.

L’opinion, dans les deux pays, doit se pénétrer d’une vérité