Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/806

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui est l’évidence même pour quiconque a parcouru l’Orient. Comme notre effort, dans tout le Levant, depuis des siècles, a tendu essentiellement à soulager, par l’exercice pacifique de notre protection, les maux créés par l’oppression turque, la situation morale éminente qui en est résultée pour nous dans la généralité de l’Empire venant à perdre en grande partie sa raison d’être sous des régimes nouveaux, ne survivra que peu à la domination turque dont elle était le correctif.

Perdue par notre succès même, par la victoire libératrice des armées de notre Entente, elle ne se maintiendra et ne durera que sur le territoire limité de cette Syrie où nous pouvons, dans une union fraternelle avec des populations qui invoquent notre nom, leur apporter ce haut bienfait : l’initiation à la vie d’une nation libre. Manquer à cette œuvre serait manquer à nous-mêmes en même temps qu’à la Syrie. Et ce serait, ne nous le dissimulons pas, disparaître de l’Orient. Or, plus l’œuvre de la France en Syrie est pénétrée d’idéal, plus la France y est attachée par ses libres profondes. On l’a bien vu en ce récent Congrès où, à l’appel de la Chambre de commerce de Marseille, tant d’hommes de la compétence la plus variée, historiens, négociants, industriels, ingénieurs, professeurs religieux et laïques, sont venus mettre en commun les idées, les vœux que leur inspiraient leur expérience syrienne et leur attachement à notre œuvre orientale. Supposé même que l’attention de la France, attirée ailleurs par la grandeur d’autres événements, se laissât détourner pour un temps de la Syrie, nul doute que son réveil ne fût amer, le jour où elle devrait se rendre compte qu’elle aurait perdu, à l’heure même de la recevoir, cette part essentielle de son héritage moral. Comment croire que pourraient s’effacer de la conscience d’une grande nation les sentiments qu’y a développés son œuvre extérieure la plus ancienne, la plus persévérante et la plus désintéressée ?


Si, dans l’ensemble de la Syrie, la question est d’aider les peuples indigènes à organiser leur vie politique, un problème d’un autre ordre est posé aux Lieux-Saints, ici, ce qui est en cause, c’est la liberté religieuse due aux pèlerins de toutes les religions ; c’est le libre usage des sanctuaires de la Terre Sainte