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LES MERVEILLEUSES HEURES D’ALSACE ET DE LORRAINE.

sur la Sarre, sur le Rhin, et que deviendrait, — la bataille portée sur le territoire d’Alsace-Lorraine, — la malheureuse province ? Devrait-elle payer de sa ruine le retour à la Mère Patrie ? Légitimement, plus d’un Alsacien en frémissait d’inquiétude, d’effroi. La réunion à la France allait-elle être précédée de cette épouvantable épreuve ; ces terres allaient-elles retrouver dans le sang et le feu leur rôle éternel de marches, provinces destinées à être trois fois par siècle foulées, meurtries, bouleversées ? Le formidable assaut donné par le monde civilisé, enfin victorieux, à l’Empire infernal, n’était-ce pas le « glacis d’Empire » dont Bismarck avait parlé qui, fatalement, en supporterait le choc ? Déjà les Allemands, satisfaits de faire payer à des Alsaciens, à des Lorrains, d’avance, la peine de la défaite en France, affectant d’ailleurs l’humanité sans pouvoir dissimuler un rictus de joie mauvaise, prescrivaient l’évacuation subite et au besoin brutale des communes messines, des villages de la Seille, d’une part, et, d’autre part, de Mulhouse, de Colmar, de toute la Haute-Alsace. L’évacuation commençait en Lorraine ; elle était imminente en Alsace. Ainsi, avant même que le feu les vînt ruiner, les demeures d’Alsace-Lorraine allaient être livrées, vides de leurs habitants, à la soldatesque impériale, tandis que le lamentable exode s’organiserait de toute une population vers l’Allemagne.

Des patriotes déjà, le cœur ferme et l’âme pleine de feu, disaient que ce ne serait jamais payer de trop de maux la victoire qui les referait Français ; mais devant l’épreuve menaçante, — celle qui, suivant le mot atroce de Guillaume II, ne rendrait à la France l’Alsace-Lorraine que « chauve, » — le pays dans l’angoisse demandait au ciel un nouveau miracle.

Et voici que le miracle se faisait. « Or, Jéricho était, dit l’Écriture, fermée et fortifiée dans la crainte des enfants d’Israël et nul n’osait sortir ou entrer… Et lorsque, au septième jour, les prêtres sonnaient de la trompette, Josué dit à tout Israël : Poussez de grands cris, car le Seigneur vous a livré la ville… Tout le peuple donc poussant de grands cris et les trompettes sonnant, quand la voix et le son eurent retenti aux oreilles de la multitude, les murs soudain s’écroulèrent, chacun monta par le lieu qui était vis-à-vis de lui et ils prirent la ville. » (Josué, ch. VI.)

Sept fois Foch avait fait au loin retentir ses trompettes.