Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/834

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
830
REVUE DES DEUX MONDES.

Le septième jour, les murs de Jéricho s’écroulaient et « chacun montait par le lieu qui était vis-à-vis de lui. » Le 11 novembre, l’Allemagne, vaincue en France sur vingt champs de bataille en quatre mois, voyant son armée sur le point d’être encerclée par l’attaque attendue du général Mangin en Lorraine, minée d’ailleurs par la révolution que, dix-huit mois avant, elle avait traîtreusement déchaînée sur la Russie, et vraiment marquée pour sa perte par le doigt de Dieu, signait, sans plus combattre, la honteuse capitulation qui, sanctionnant non seulement nos dernières victoires, mais quatre ans et quatre mois d’un admirable effort, consentait, entre autres choses, à l’occupation par la France, à bref délai, de l’Alsace-Lorraine miraculeusement épargnée.

LA GRANDE AURORE

L’armistice avait été signé le 11, à six heures. La nouvelle s’en répandit comme une traînée de poudre et avant que midi sonnât, le monde presque tout entier en était averti. Une longue acclamation s’élevait de la terre vers le ciel.

L’Alsace-Lorraine était si soigneusement murée depuis des années du côté de la France et, s’il s’agissait des dépêches d’Europe, du côté de l’Allemagne, que nul pays n’était moins préparé à recevoir de sang-froid cette étonnante nouvelle. « Les habitants, écrira un soldat le 19 novembre, disent qu’ils ne savaient rien du recul des Boches, et même il y a un mois, on leur avait dit ainsi qu’à la troupe qu’on avait assassiné Poincaré et Clemenceau, et que nous avions refusé de marcher. Ils ont même fait sonner les cloches. »

J’ai dit ce qu’il en était. Sauf quelques privilégiés, qui en dépit de toutes les précautions de la police, étaient arrivés depuis deux mois à se procurer les feuilles de France, le pays était dans une ignorance presque totale des événements qui se déroulaient depuis juillet. À travers les mensonges allemands, on devinait bien que les affaires du Boche n’allaient pas bien ; à lire son communiqué même sur la carte, on constatait que partout il reculait ; enfin, les pressantes requêtes du nouveau gouvernement « impérial et démocratique » adressées au Président Wilson depuis quatre semaines faisaient soupçonner que la machine se détraquait. Mais qu’on dût voir les Français