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O pays pouilleux, pays de broussailles,
Entre Argonne et Reims comme tu tressailles !
Quel immense espoir dans la nuit venu
Te fait frissonner, vaste horizon nu ?
Parlez, coteaux blancs, carrières de craie,
Mont-Haut, Saint-Soupplet, Saint-Martin-l’heureux,
Ils ont échoué, la nouvelle est vraie ?
Des milliers des leurs gisent dans les creux.

Notre cœur vous bénit en cette matinée,
O terrains indigents, misérables talus.
Humbles fourrés que l’aube a brusquement élus.

Car le grand renouveau de notre destinée
Est parti du plus pauvre sol.
C’est d’une touffe de bruyère.
D’une fleur couleur de poussière
Que l’alouette a repris son vol !



C’est l’instant. La Bête essoufflée
Gratte l’herbe pelée,
Et roule un œil sanglant.
L’Archer bande son arc, il vise au flanc...
Il tire !

Ah ! la flèche est lourde à vrai dire !
Des centaines de chars d’assaut !
Réunis en secret sous l’obscure feuillée.
Tous, de leur marche ensommeillée,
Avancent à l’endroit qu’il faut.

A votre tour soyez bénis, couverts des branches,
Remises des chevreuils, asiles des pervenches,
Puisque, nous dérobant aux regards des guetteurs
Qui croisent dans les airs à de grandes hauteurs.
Et pendant plusieurs jours étouffant sur les mousses
Le bruit montant de nos essieux,
Vous nous avez prêté l’appui des ombres douces
Et des sous-bois silencieux.