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Qui n’a fait sa prière au moment où l’orgie
A commencé sous ce rideau ?
Quelle que soit sa liturgie,
Qui n’a fait son Credo ?

Qui, s’éveillant la nuit et songeant au massacre,
Ne s’est voilé les yeux dans un frisson d’horreur ?
Mais plus grave et plus fier qu’un roi le jour du sacre.
Plus appliqué, plus doux, plus lent qu’un laboureur,
Le fantassin, placide au plus fort des mêlées,
Marchait innocemment sur les pierres brûlées.

Et le pli du vallon et le flanc du coteau,
Comme pour rejeter un odieux fardeau.
Se secouaient ensemble et tremblaient. Ah ! Justice,
Il est temps que ton pas sur le sol retentisse.
Tu n’es donc plus un grand mot creux,
Ou le mot que murmure un esclave peureux
Sous le poing d’un maître implacable ?
Tu t’es dressée enfin, Justice irrévocable !
Que ta voix dans ce jour a des échos nombreux !
Comme tes serviteurs sont puissants sur la terre !
Et comme, à leur approche, en ses nids de béton,
Le Mal, jouant son sort sur un dernier jeton,
Se sent tout à coup solitaire !

Justice, montre-toi dans toute ta fureur !
Laon rebelle au marteau a cédé sous la lime.
Frappe le faux savant sur les lieux de l’erreur,
Frappe le criminel dans la maison du crime !

Français du Nord, captifs que foule un dur talon,
Pays flamand, pays wallon.
Quel affolant bonheur vous a pris aux entrailles !
Entendez, entendez ! encore un dur moellon
Que le pic arrache aux murailles !

Lille tombe en nos mains, et le Belge à son tour
Après quatre ans d’attente a vu venir son jour.
C’est le grand équinoxe et la mer démontée
Dans un raz formidable emporte la jetée.