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d’automobiles attendent la sortie des ouvriers, leurs propriétaires. Et cette prospérité soudaine et excessive est localisée dans certaines régions et certaines classes ; d’autres souffrent et s’impatientent ; tout l’équilibre intérieur des États-Unis est rompu ; on court à l’abime ; une fièvre grandissante mine le corps social. Les économistes, les moralistes s’alarment. Cette prospérité momentanée ne peut se maintenir, et les habitudes qu’elle a créées lui survivront. Comment passer de cet état morbide et fiévreux à une situation et à des salaires normaux, inévitablement ramenés par la paix ? Et les changements ne sont pas matériels seulement ; ils sont d’ordre moral : toutes les habitudes des classes laborieuses ont été modifiées de fond en comble. Comment espérer qu’elles consentiront jamais à reprendre la vie étriquée du passé ? C’est une révolution morale en même temps qu’économique que la guerre a opérée aux États-Unis. Moralement ils perdent plus qu’ils ne gagnent matériellement.

Et donc la prolongation de la guerre aggrave toujours davantage le déséquilibre qu’elle a introduit dans les conditions de vie des États-Unis et, après le présent, menace l’avenir. L’Amérique souffre de sa prospérité même. Elle a beau se dire que, pendant ces deux années de guerre, la différence entre les exportations et les importations l’emporte de plus de 15 milliards de francs sur les deux années les plus favorisées dans le passé ; en 1916, les exportations atteignent même 3 milliards et demi de dollars. L’intérêt de tous est d’arrêter cette marche à l’abime. Il n’y a que deux moyens d’y parvenir : par la guerre, qui ramènera la paix ; et c’est la solution inique de Wall Street, disent les propagandistes ; p ; ir la médiation, disent les pacifistes ; et rien n’est plus facile que de l’imposer.


LES CAMPAGNES PACIFISTES

C’est alors que l’on a vu paraître avec une insistance croissante et générale les campagnes en faveur de la paix, même dans les journaux pro-alliés, alarmés par l’exposé tendancieux de cette situation Les articles de Cosmos paraissent dans le New York Times sous le titre significatif : « Tous désirent la paix ; pourquoi ne pas la faire maintenant ? » d’autres, d’inspiration semblable dans la presse qui nous est favorable, et