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jusque dans la Tribune, notre principal allié aux Etats-Unis, qui, par la bouche du plus grand des critiques militaires américains, Frank Simonds, déclare qu’aucune décision par les armes n’est plus possible. L’intérêt de l’Europe comme des États Unis est donc de mettre fin à l’interminable tuerie vaine. Elle ne peut que conduire à la ruine totale tous les peuples de l’Europe et affaiblir indéfiniment leur capacité d’achat. La propagande exploite ces aveux. Stimulées par elle, les agitations ou les mesures pour atténuer la crise se succèdent plus pressées. Sous l’influence de Paul Warburg, Germano-Américain affilié aux financiers allemands, le Federal Reserve Board écarte du marché américain le placement des valeurs de guerre alliées ; et c’est l’embargo sur le crédit. On fait valoir que l’Angleterre a déjà emprunté aux États Unis 1 100 000 000 de dollars, dont la moitié sans garanties. Elle n’a plus de valeurs américaines ; elle n’a plus guère d’or. Elle essaie maintenant de placer pour 5 milliards de bons du Trésor anglais, non garantis, sujets aux hasards de la défaite, de la banqueroute ou de la répudiation de la Dette nationale, si une révolution éclate. La France voudrait faire de même, et n’offre pas plus de garanties. Or, le gouvernement anglais a déjà plus de dettes que n’en pourrait racheter tout l’or produit depuis le début de l’ère chrétienne. Ses bons ne sont que du papier. — En même temps, des membres influents du Congrès réclament impérieusement l’embargo sur les vivres, indispensable, disent-ils, pour faire baisser le prix de la vie. L’agitation se répand, attisée par la presse germanophile et pacifiste et la presse Hearst ; elle vient s’ajouter à l’ancienne agitation contre l’exportation des munitions, qui continue toujours plus vive. D’autres députés refusent aux bateaux marchands le droit de s’armer pour se protéger contre les sous-marins. Et, d’autre part, dans le message du Président du 16 décembre 1916, beaucoup voient une note comminatoire, inspirée par la note allemande et dirigée impartialement contre tous les belligérants, l’ordre d’avoir à mettre immédiatement fin au conflit meurtrier qui épuise l’Europe et trouble si profondément la vie de l’Amérique ; et la presse germano-américaine et pacifiste exulte. Le New York American, le Philadelphia Record, d’autres journaux affirment que tel est le sens de la note ; et Bernstorff le déclare ouvertement (Philadelphia Record du 30 décembre 1916).