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des usines de guerre aux États-Unis, d’achat de journalistes et de conférenciers, de propagande contre la Grande-Bretagne et pour brouiller le Mexique avec les États-Unis. On découvre avec stupeur les ramifications de cette abominable campagne jusque dans l’organisme le plus haut et le plus respecté des États-Unis : un juge de la Cour Suprême, Daniel F. Cohalan, Irlando-Américain, organise un débarquement allemand en Irlande, et pousse à l’intensification des raids aériens sur l’Angleterre. D’autres personnalités en vue sont compromises : John Devoy, directeur du Gaelic American ; George S. Viereck, directeur de la revue Viereck’s, qui centralise bombes et explosifs ; Marcus Braun, directeur du Fair Play ; Miss Beveridge qui a reçu 3 000 dollars pour faire une tournée de conférences en faveur de l’Allemagne. Presque en même temps le New York Herald commence ses sensationnelles publications de la correspondance échangée entre Nicolas II et Guillaume II.

L’effet de ces révélations fut énorme... La pacifiste Evening Post elle-même finit par dire que si les dépêches Bernstorff avaient été connues en 1916, il aurait fallu alors déclarer la guerre à l’Allemagne. :


L’OPINION AMÉRICAINE ACCEPTE LA GUERRE TOTALE

Sous le coup de ces révélations successives, peu à peu tous les esprits abandonnent la distinction jusqu’alors si populaire entre le gouvernement et le peuple allemands. De plus en plus on se rend compte qu’ils sont solidaires, et que seule la victoire totale peut assurer une paix durable. Le torpillage de l’Antilles, la sauvagerie des sous-marins qui bombardent les canots de sauvetage, viennent exaspérer encore l’indignation populaire. Même Viereck’s (24 octobre) avoue qu’il est de plus en plus difficile de garder vis-à-vis de l’Allemagne une attitude d’impartialité. Et bientôt le désastre de Caporetto, en révélant le danger de la propagande pacifiste et la force de l’Allemagne, augmente encore la conviction qu’il faut à tout prix combattre les grèves, le défaitisme et la sédition sous toutes ses formes, et exalter l’esprit de guerre. Il faut réagir, ne point tolérer les encouragements aux grèves, l’activité des meneurs, inspirée par les germanophiles. Contre la croissante « terreur intellectuelle, » comme l’appelle la New Republic, qui pèse sur la presse