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naguère le calendrier grégorien, c’est-à-dire le nôtre, la Bulgarie orthodoxe a fait de même depuis la guerre, exactement dès 1915 et à la suite de la pompeuse visite que Guillaume II fit alors à Sofia. Les raisons de cette mesure sont curieuses. Depuis 1914, les Bulgares déclaraient urbi et orbi qu’ils n’étaient pas des Slaves, voulant par cela expliquer leur trahison envers leurs libérateurs, les Russes... qui depuis. Et c’est précisément pour rompre un lien qui les rattachait à la Russie, qu’après la visite du Seigneur de la Guerre qui suivit l’écrasement de la Serbie, les Boulgres adoptèrent solennellement et définitivement le calendrier grégorien. A quelque chose malheur est bon.

Ainsi les sujets de Ferdinand croyaient donner une marque démonstrative de leur rupture intellectuelle avec leurs ennemis ; mais ils oubliaient qu’ils se rattachaient ainsi par l’almanach, non seulement à l’Allemagne, mais à la France, à l’Angleterre, à l’Italie, aux États-Unis, à toutes les grandes nations qui comptaient le temps grégoriennement.

Or, et c’est là le point intéressant, cette réforme s’est accomplie en Bulgarie de la façon la plus simple sans apporter aucune perturbation. Aucune émeute, aucune protestation n’accompagna ce vieillissement officiel de 13 jours qui soudain sévit sur tout un peuple [1].

Ce qui s’est fait sans heurt chez les Bulgares peut et doit se faire de même ailleurs.

Déjà en Serbie, un mouvement très net se dessine dans le même sens, notamment sous l’impulsion du professeur Stanoïewitch. C’est ainsi que le pacte de Corfou du 7/20 juillet 1917, qui a fondé le « royaume des Serbes, Croates et Slovènes, » (les Serbes sont orthodoxes, les Croates et Slovènes, catholiques), porte dans son article 8 que le calendrier sera unifié le plus tôt possible, évidemment, par le choix du calendrier grégorien. Une dépêche de l’agence Havas, parue il y a quelques jours dans la presse quotidienne, et dont je n’ai pu contrôler l’exactitude d’ailleurs très probable, vient même de nous annoncer que le calendrier grégorien a dû être introduit le 28 janvier dans toute la Yougo-Slavie.

  1. A propos de l’histoire, que j’ai narrée dans ma dernière chronique, des émeutes que fit le peuple londonien lorsqu’on adopta en Angleterre la réforme grégorienne, un lecteur me demande comment les émeutiers pouvaient crier : « Rendez-nous nos trois mois ! » puisque l’écart des deux calendriers n’est, même aujourd’hui, que de 13 jours. C’est qu’on fit coïncider en Angleterre cette réforme avec le changement de l’origine de l’année qui, alors le 25 mars, fut (c(était, je crois, en 1752) reportée au 1er janvier.